Malgré les révélations assassines de la commission Charbonneau à l'endroit de la Ville de Montréal, les «pratiques arbitraires» dans l'embauche se poursuivent dans la plus importante municipalité du Québec. Sous la direction générale de Guy Hébert, près du tiers des cadres qui ont été embauchés en 2012 l'ont été sans appel de candidatures et près de 80% de ces nominations sont jugées non conformes à la politique de la Ville en matière de main-d'oeuvre, a appris La Presse.

Cette situation est dénoncée dans le rapport annuel 2012 de la Commission de la fonction publique de Montréal, qui a été remis en début de semaine à l'administration montréalaise et qui sera rendu public lors de son dépôt à l'assemblée du conseil municipal, le 11 mars. La Presse l'a obtenu.

« Constats troublants »

«Ce rapport fait état de constats troublants», écrit d'entrée de jeu la présidente de la Commission, Sylvie B. Farand. Manque de collaboration de la Ville, refus de fournir des informations, recommandations des années antérieures ignorées et, surtout, «pratiques arbitraires qui heurtent les valeurs d'équité, d'impartialité et de transparence» en matière d'embauche de main-d'oeuvre.

La Commission de la fonction publique de Montréal, dont le mandat est de veiller à l'intégrité des processus d'embauche et de promotion, constitue le «rempart contre le copinage administratif ou autres formes de favoritisme ou, à l'inverse, de discrimination». Or, «un nombre étonnant de nominations de cadres-gestionnaires non précédées d'un appel de candidatures a pu être inventorié. Ce qui devait être une mesure d'exception a été institué rapidement comme une pratique», peut-on lire dans le rapport.

Ce problème touche 32% des cadres qui ont été nommés entre le 1er janvier et le 30 juin 2012, période correspondant à l'entrée en fonction du nouveau directeur général, Guy Hébert. Ce dernier avait alors entrepris une réorganisation des structures et des têtes dirigeantes.

Au total, 205 nominations de cadres ont été analysées par la Commission. De ce nombre, 66 ont été faites sans appel de candidatures. Le rapport ne précise pas qui a obtenu un poste de cette manière.

De plus, près de quatre nominations sans appel de candidatures sur cinq ont été considérées comme non conformes à la Politique de dotation et de gestion de la main-d'oeuvre. Le problème vient du fait que le service du capital humain et des communications (SCHC) ne s'est pas embarrassé de l'obligation de justifier son choix. Selon la Commission, il est clair que la compétence et l'équité sont «des valeurs nettement subordonnées à l'efficacité» pour le SCHC.

Si la Politique permet de nommer des cadres sans appel de candidatures, il doit s'agir d'un processus d'exception, souligne le rapport de la Commission. Quand la Ville y a recours, elle doit rédiger un avis dans lequel on en explique les raisons. Six conditions sont prévues; parmi celles-ci, notons l'utilisation d'un employé en disponibilité, une situation où un candidat s'était qualifié antérieurement pour le poste ou une nomination découlant d'une réorganisation.

Moyen de contrôle peu fiable

Le SCHC a mis en place l'été dernier des contrôles informatiques pour éviter les nominations non justifiées. Mais lors d'une vérification complémentaire réalisée entre juillet et décembre 2012, la Commission a noté que près d'une nomination sans affichage de poste sur deux n'avait pas été identifiée dans les différentes unités administratives. «La saisie informatique des nominations [est] un moyen de contrôle peu fiable», estime la Commission, qui souligne également que le SCHC laisse ainsi les gestionnaires décider eux-mêmes de se conformer ou non à la Politique.

Durant cette même période, 36% des nominations de cadres ont été faites en vertu du volet exceptionnel de la Politique de dotation et de gestion de la main-d'oeuvre.