La première femme à siéger au Comité de direction dans l'histoire de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Lyne Trudeau, a été destituée par la Cour supérieure, moins de trois ans après son élection.

La juge Carol Cohen, qui a entendu l'affaire pendant trois jours en octobre, s'est rendue aux arguments de la Fraternité. «Mme Trudeau agit de façon irréfléchie, égoïste et vindicative, et elle s'est embarquée dans une guérilla de pouvoirs politiques avec les dirigeants, cadres, et employés de la Fraternité», lit-on dans le jugement de 65 pages rendu il y a quelques jours. La magistrate estime que Mme Trudeau a manqué à ses obligations d'administratrice, a enfreint le Code civil de façon répétée, et n'a plus la confiance des membres du Conseil de direction.

C'est la Fraternité des policiers et policières de Montréal elle-même qui s'est adressée  à la Cour supérieure pour obtenir la destitution de Mme Trudeau. Cette dernière avait refusé de démissionner l'été dernier, après qu'un vote fortement majoritaire mais symbolique, pris par 90 représentants syndicaux de la Fraternité, lui ait montré la sortie.

Policière et avocate

Mme Trudeau, est entrée dans la police en 1988. Parallèlement à son emploi, elle a entrepris, à partir de 2003, des études en droit qui l'ont conduit à être admise au Barreau, en 2008. Deux ans plus tard, en juin 2010, elle était élue vice-présidente des relations de travail, au FPPM, syndicat qui représente 4500 policiers du SPVM.

Des tensions ont commencé à se faire sentir dès l'année suivante. Notamment, Mme Trudeau ne s'entendait pas avec deux cadres de son département. La femme de 47 ans se sentait par ailleurs de plus en plus exclue de certains dossiers. Les tensions ont culminé en juin dernier, lorsqu'elle a appris que le service du contentieux serait désormais confié à une firme d'avocats à l'externe. Mme Trudeau était furieuse, car elle n'avait pas été consultée à ce sujet.

Mme Trudeau a ensuite envoyé un courriel à plus de 200 personnes, dans lequel elle parlait de «scission» dans le Comité de direction, et du fait qu'on essayait de la «museler» et de la «neutraliser.» Elle soupçonnait aussi que Yves Francoeur, président de la Fraternité, ou deux autres personnes qu'elle nommait, avaient coupé son accès au réseau internet. Cette accusation était totalement gratuite: rien n'avait été coupé. Mme Trudeau avait simplement des problèmes avec son mot de passe, qu'elle avait elle-même changé au début de ses vacances.

Dans la foulée de ce courriel, le 29 juin dernier, le Conseil a convoqué une assemblée extraordinaire et voté la destitution de Mme Trudeau. On lui reprochait aussi d'avoir enregistré des réunions et des conversations à l'insu des participants, son manque de disponibilité, son inexpérience, et son incapacité à travailler en équipe.

Dans la foulée de cette affaire, Mme Trudeau a intenté une poursuite civile en dommages contre plusieurs dirigeants de la Fraternité, dont M. Francoeur. La Fraternité s'est adressée de son côté à la Cour supérieure, pour demander la destitution de Mme Trudeau.

La juge Cohen a rendu son jugement effectif, même en cas d'appel. Mme Trudeau a effectivement l'intention d'en appeler, et elle maintient sa poursuite civile, a fait valoir son avocat, Me Jean-François Towner, lorsque La Presse l'a contacté, mardi.

Du côté de la Fraternité, on s'est refusé à tout commentaire, estimant que le jugement parlait de lui-même.