Charles Chalom Lugassy, candidat battu aux élections dans Côte-Saint-Luc en 2009, a-t-il été victime d'une cabale menée par des juifs ashkénazes parce qu'il est lui-même sépharade? Ou a-t-il réellement tenté d'acheter sa rivale, Sonia Cohen-Peillon, en lui offrant de payer ses dépenses électorales?

Cette histoire peu banale est la toile de fond d'une décision rendue publique hier par le Directeur général des élections du Québec, qui a condamné M. Lugassy à une amende de 1000$ pour manoeuvre électorale frauduleuse, en vertu de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Fait rare, il se voit privé de son droit de vote et ne peut se présenter à une élection à tous les paliers électifs, et ce, pour les cinq prochaines années.

«C'est la victime qui a été condamnée, soutient Charles Lugassy en entrevue. J'ai reçu des menaces et de l'intimidation. On se serait cru au goulag, en Sibérie. Les oeufs sur la brique devant chez moi, ils ne partent pas, ils sont encore là.»

Élection perdue

M. Lugassy, expert en immigration de 61 ans originaire du Maroc et ancien journaliste, a été reconnu coupable le 16 octobre dernier en Cour du Québec. La juge Johanne White a essentiellement accordé plus de crédibilité au témoignage de Mme Cohen-Peillon. Elle a affirmé qu'en octobre 2009, elle a rencontré M. Lugassy, qui était «très gentil» et lui aurait dit: «Il va falloir que tu te désistes [...]. On a une organisation, on va te payer tes frais.»

Finalement, les deux candidats ont été balayés par le conseiller sortant Glenn Nashen, qui a obtenu 65,8% des voix. M. Lugassy a obtenu 343 votes (30%), tandis que Mme Cohen-Peillon n'en a récolté que 49 (4,3%).

Une «chasse gardée»

Selon M. Lugassy, le véritable enjeu était «la domination des juifs anglophones ashkénazes» sur la politique municipale dans Côte-Saint-Luc. Plus de 68% des 32 000 résidants sont de religion juive, mais peu de données existent sur la répartition entre les ashkénazes, d'origine européenne, et les sépharades francophones, qui proviennent surtout d'Afrique du Nord. Ces derniers représenteraient 40% de la communauté juive, avance M. Lugassy, et seraient en forte croissance démographique.

Le conseil municipal, composé d'un maire et de huit conseillers, ne compte pourtant aucun sépharade.

«Pour la première fois en 30 ans, la communauté sépharade francophone m'a demandé de me présenter, mais mal m'en prit, raconte Charles Lugassy. Ils se sont tous ligués contre moi, du maire jusqu'au greffier de la Ville.» Il accuse ce dernier de s'être acharné contre lui, notamment en menant, à titre de président d'élections, cinq enquêtes sur sa candidature après la campagne de 2009. «Cinq enquêtes contre un candidat battu, c'est du jamais vu. Ils veulent envoyer un message au prochain sépharade qui va vouloir se présenter en 2013: la politique est une chasse gardée des ashkénazes anglophones à Côte-Saint-Luc.»

Il n'a pas été possible de joindre un responsable à l'hôtel de ville de Côte-Saint-Luc.