Les entrepreneurs étaient vraiment aux petits soins pour les fonctionnaires de Montréal qu'ils courtisaient. Ceux-ci pouvaient profiter à leur guise du calme et de la discrétion d'une garçonnière prêtée à la demande par un célèbre entrepreneur en construction, a appris La Presse.

Selon nos sources, cet appartement était situé au centre-ville, dans le secteur de la rue Saint-Mathieu. L'immeuble disposait d'une piscine privative. L'entrepreneur le prêtait aux fonctionnaires de la Ville afin qu'ils puissent y recevoir de jeunes femmes pour y «faire le party» et non la sieste, nous dit notre informateur d'un ton amusé. C'était moins cher et plus discret qu'une chambre d'hôtel, ajoute-t-il. Cette garçonnière, secret de polichinelle dans le milieu, était ouverte au moins à la fin des années 90 et au début des années 2000.

Les enquêteurs et les procureurs de la commission Charbonneau seraient bien au fait de son existence et disposeraient même d'une preuve photographique, qu'ils ont montrée à certains témoins lors de rencontres préparatoires.

L'entrepreneur en question n'a pas rappelé La Presse. Quant à l'ex-ingénieur de la Ville de Montréal Luc Leclerc, que La Presse a joint par téléphone, il a dit qu'il n'était «pas au courant de ça». Il a ajouté qu'il n'avait «plus le coeur à se mêler de ça» maintenant qu'il avait terminé son témoignage, avant de raccrocher pour... continuer à regarder la retransmission des audiences de la commission Charbonneau!

Des prostituées en cadeau

Hier, la procureure Me Claudine Roy a questionné le fonctionnaire Gilles Vézina sur la prostitution. L'homme, employé de la Ville depuis 1962, a reconnu que les entrepreneurs ne se limitaient pas à offrir des repas, des billets de hockey et des bouteilles de vin aux fonctionnaires.

L'ingénieur montréalais a fini par reconnaître qu'il s'était fait offrir les services de prostituées à au moins deux reprises au cours de sa carrière, la première fois dans les années 60, alors qu'il avait «25 ou 26 ans». Nouvellement marié, Gilles Vézina dit qu'il a refusé.

La deuxième offre lui a été faite lorsqu'il était chef d'équipe, poste qu'il occupe depuis 1989. Il a relaté un repas en compagnie de deux entrepreneurs qui lui ont proposé les services de prostituées pour la soirée. L'invitation venait des propriétaires de Ferland construction et Piazza construction, tous deux grands amateurs d'«escortes», selon lui. Il n'a pas précisé la date de cette soirée.

S'il juge acceptable de recevoir pour des milliers de dollars de bouteilles de vin, de billets de hockey et de repas au restaurant, des prostituées ne conviennent pas, a dit Gilles Vézina. Cela ne cadre pas dans la «politique établie» des cadeaux que l'on peut recevoir à la Ville de Montréal. «En général, je sais que les escortes existent, mais je n'y suis pas allé», a assuré Vézina, qui estime que ce n'est pas «de mise».

Le fonctionnaire a dit ignorer si certains de ses collègues ont accepté ce genre de gratification.