Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre un acteur de l'actualité et lui pose 10 questions liées à la couverture dont il a été l'objet. La 11e question vient du public. Cette semaine, notre journaliste a rencontré Robert Abdallah, ancien directeur général de la Ville de Montréal.

1 Pourquoi vous présenter sur la place publique aujourd'hui?

Quand on a 35 ans de carrière, qu'on a travaillé très fort, qu'on a occupé des postes assez importants et qu'on se fait attaquer injustement, on ressent une certaine frustration. On m'a foncièrement blessé, on a attaqué mon intégrité et je ne laisserai pas faire ça, je vais répondre. M. Zambito a dit que j'avais reçu une ristourne, c'est faux. Ce n'est jamais arrivé.

2 Selon vous, Lino Zambito est-il un menteur?

En ce qui me concerne, oui. Ou peut-être qu'il ne rapporte pas les faits correctement. Il a dit que quelqu'un lui a dit que quelqu'un avait dit à une autre personne... Bref, c'est incroyable! Jusque-là, il racontait des faits auxquels il avait assisté. Dans mon cas, il ne me connaît même pas et ne m'a jamais rencontré.

3 Allez-vous témoigner à la commission Charbonneau?

Jusqu'ici, je n'ai reçu aucune demande en ce sens, mais il est clair que si on me le demande, je vais faire mon devoir de citoyen.

4 Hier, un ancien ingénieur de la Ville, Gilles Surprenant, a affirmé qu'il acceptait des pots-de-vin. Vous étiez son patron. Vous n'en aviez jamais entendu parler?

Quand je suis arrivé à la Ville, j'étais là comme gestionnaire, pas comme politicien. J'ai vu que les prix étaient élevés et j'ai agi. Est-ce que mon action (qui comprenait des vérifications, etc.) était suffisante, est-ce que j'ai réussi à tout corriger? Sûrement pas puisque M. Zambito a indiqué que cela a continué jusqu'en 2009.

5 Vous étiez en poste comme directeur général au moment où Frank Zampino était président du comité exécutif de la Ville. M. Zampino est aujourd'hui accusé de fraude et d'abus de confiance. Vous ne vous êtes jamais douté de rien?

Pas à l'égard de M. Zampino. J'avais une excellente relation avec tous les élus. J'étais le premier fonctionnaire de la Ville, je relevais du maire, du président du comité exécutif, du conseil municipal. Et je ne me suis pas rendu compte de quelque chose concernant M. Zampino.

6 Pensez-vous que l'administration pour laquelle vous travailliez était corrompue?

Je ne peux pas vous parler d'une administration corrompue. Moi, je n'ai pas vu de choses corrompues, j'ai vu des prix élevés, une exagération dans certains domaines. Quand j'étais directeur général, j'ai embauché une firme indépendante qui participait aux appels d'offres en même temps que les entreprises afin que nous puissions comparer les prix. J'avais mis sur pied un groupe de travail qui analysait toute soumission et lorsque le prix dépassait de 10 ou 15% le prix fixé par la firme indépendante, la soumission était rejetée. Elle ne se rendait même pas à mon bureau. Est-ce que cette action a tout corrigé? Non. Je m'en rends compte aujourd'hui.

7 Vous dites avoir constaté que le prix des soumissions était gonflé. En avez-vous avisé vos supérieurs? Et le maire?

On le savait. Quand le comité exécutif était informé qu'une soumission était rejetée, on précisait que c'était parce que le prix était trop élevé. Tout le monde autour de la table était au courant. Mais il faut comprendre que lorsqu'on gère une ville de 30 000 employés ainsi qu'un budget de 4 milliards de dollars, on a des enjeux pas mal plus importants à gérer. On ne voyait pas tout.

8 Vous avez accepté un emploi dans une entreprise appartenant à Tony Accurso un peu plus de deux ans après avoir quitté la Ville. Le regrettez-vous?

Non, je ne le regrette pas. La perception est une chose, la réalité, une autre. J'ai quitté la Ville en mai 2006 et j'ai accepté le mandat de monter une entreprise en novembre 2008, soit deux ans et demi après avoir quitté la Ville, après une période bien plus longue que n'importe quel code d'éthique le recommande. M. Accurso a beaucoup d'entreprises, on m'a confié le mandat de monter une entreprise spécialisée en mécanique électrique qui serait parmi les grandes entreprises du Québec. Je suis fier de ce que j'ai accompli. Aujourd'hui, Gastier, où M. Accurso n'a jamais mis les pieds durant mon mandat, soit dit en passant, est une entreprise forte au Québec.

9 Pourquoi M. Accurso tenait-il tant à vous voir nommé à la tête du Port de Montréal, selon vous?

J'ai posé ma candidature à ce poste parce qu'il m'intéressait. J'ai rencontré les dirigeants à plusieurs reprises, mais je peux vous garantir que je n'ai parlé de ma candidature à personne, ni aux politiciens, ni aux proches des politiciens, ni à M. Accurso, ni au maire, ni à la chambre de commerce. Cela s'est su dans les médias que j'avais posé ma candidature, mais à la fin, je n'ai pas eu le poste. Affaire classée, on passe à autre chose. Je n'ai jamais demandé à personne d'appuyer ma candidature et si j'avais su que quelqu'un la poussait, je l'aurais appelé pour lui demander de se mêler de ses affaires. Je trouve ça insultant, car j'ai bâti ma vie sans l'aide de personne, j'ai travaillé fort, j'ai gravi les échelons pour arriver où je suis.

10 Si tout cela était à refaire, que feriez-vous différemment?

Je serais plus pointu dans mes interventions. C'est facile de dire ça aujourd'hui, mais il faut se souvenir de l'époque dont on parle, en 2004-2005. Ces questions-là n'étaient pas au premier plan, la pression n'était pas là. On devait régler tout ce qui touchait les fusions, créer une nouvelle façon de faire, définir un nouveau plan fiscal, etc. Sans compter que lorsque je suis arrivé à la Ville, toutes les conventions collectives étaient périmées. Disons qu'il y avait des dossiers plus urgents, je travaillais du matin jusqu'au soir à régler tout ça.

TWITTER "1 Jean Bottari (@JeanBottari sur Twitter)

Allez-vous poursuivre M. Zambito pour les allégations qu'il a formulées à votre sujet et que vous qualifiez de fausses?

Mes avocats prennent tout en considération et je leur fais confiance. Chaque fois que mon nom va sortir avec une fausseté, je vais répliquer. Actuellement, M. Zambito est protégé parce qu'il est témoin à la Commission, mais ça ne veut pas dire qu'il a tous les droits et qu'il peut bafouer tout le monde.