L'escouade Marteau a récemment débarqué chez un ex-sénateur conservateur pour l'interroger sur l'attribution à SNC-Lavalin du gigantesque contrat de construction du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Selon ce qu'a appris La Presse de plusieurs sources, les enquêteurs ont rencontré l'ex-sénateur W. David Angus dans la foulée des perquisitions du 18 septembre au CUSM. Il se serait montré plutôt contrarié de voir les agents cogner ainsi à sa porte dans le cadre d'une enquête de l'Unité permanente anticorruption, dont l'escouade Marteau est le bras armé.

Président du conseil

M. Angus a été président du conseil d'administration du CUSM - une tâche bénévole - jusqu'en janvier dernier. Associé du cabinet d'avocats Stikeman Elliott jusqu'en 2009, il a pris sa retraite du Sénat en juillet dernier, à l'âge de 75 ans, comme c'est la règle. Pendant ses 19 ans au Parlement, il a été président du Comité permanent des Communes sur l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles, membre du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ainsi que membre du Comité sur les conflits d'intérêts des sénateurs.

L'enquête policière concerne le paiement de 22 millions de dollars qu'auraient fait des dirigeants de SNC-Lavalin dans le but d'obtenir le contrat de 1,3 milliard pour la construction du grand hôpital, comme l'a révélé La Presse récemment.

Le contrat du CUSM a été accordé en 2010 à un consortium formé de SNC-Lavalin et de la société anglaise Innisfree. Après la construction, le consortium sera responsable de la gestion du CUSM pendant 30 ans.

Selon nos sources, la police tente notamment de vérifier si le Dr Arthur Porter, directeur général du CUSM jusqu'en décembre dernier, a été la «porte d'entrée» de SNC-Lavalin pour obtenir le contrat.

Le Dr Porter, qui mène maintenant une prestigieuse carrière dans des paradis fiscaux comme les Bahamas et les îles Turks et Caicos, était coprésident du comité chargé de recommander le meilleur consortium pour la construction du CUSM.

«Pas de commentaires»

L'autre coprésident du comité était W. David Angus, qui préfère ne pas parler des questions que les policiers lui ont posées.

«Le CUSM et moi-même sommes au courant que les autorités enquêtent sur des questions et nous coopérons avec elles aussi complètement que nous le pouvons. Nous n'aurons pas de commentaires additionnels jusqu'à la fin de cette enquête», a expliqué M. Angus.

M. Angus a invité La Presse à la prudence avant de tirer des conclusions sur «de bons citoyens de Montréal et des bénévoles».

Rappelons que personne du CUSM n'a été accusé de quoi que ce soit dans cette affaire; les faits n'ont pas été prouvés en cour.

W. David Angus a quitté la présidence du conseil d'administration en janvier 2012. Aucune annonce officielle n'a souligné son départ et sa longue contribution au CUSM. Avant d'être nommé à ce poste, il avait présidé la corporation de l'Hôpital général de Montréal et avait siégé au conseil de la fondation de cet hôpital.

Un peu plus tôt en 2011, le National Post a révélé que le Dr Arthur Porter avait offert au sénateur Angus le poste de consul de la Sierra Leone à Montréal. Le directeur général du CUSM se présentait lui-même comme «ambassadeur plénipotentiaire» de ce pays au Canada. M. Angus a refusé l'offre, car elle entrait en conflit d'intérêts avec ses fonctions sénatoriales.

Arthur Porter a quitté la direction de l'établissement en décembre 2011, à l'époque où les paiements douteux ont été découverts à SNC-Lavalin.

Il ne s'est pas manifesté publiquement depuis les perquisitions de l'escouade Marteau au CUSM. Il n'a pas répondu aux messages de La Presse. Le National Post affirme l'avoir joint sur un cellulaire enregistré aux Bahamas, mais le Dr Porter aurait raccroché avant que le journaliste puisse lui poser ses questions.

Jeudi dernier, l'entreprise de consultants qu'il a fondée à Montréal en 2010 avec l'ancien ministre de la Santé Philippe Couillard a été officiellement dissoute. M. Couillard et son avocat ont expliqué que l'entreprise n'avait jamais servi et qu'elle était demeurée une coquille vide.