Davantage connue pour son cachet villageois, Sainte-Anne-de-Bellevue doit composer depuis six ans avec une réalité bien montréalaise: la multiplication des cônes orange. À bout de patience, les commerçants de la rue Sainte-Anne espèrent que la fin des travaux ramènera les clients qui ont fui l'artère.

Les chantiers se succèdent depuis 2006 dans la petite municipalité de la pointe ouest de l'île de Montréal. Un important viaduc a d'abord dû être refait, chantier suivi par la reconstruction pendant trois ans du pont Galipeault qui relie L'Île-Perrot à Sainte-Anne-de-Bellevue. Les commerçants qui disent avoir connu une baisse de leurs affaires durant ces travaux ont alors appris que leur ville mettait en branle son projet de réfection complète de la rue Sainte-Anne. Un autre chantier de trois ans.

«Je fais des affaires à Sainte-Anne depuis sept ans et il n'y a pas eu une année sans travaux», dit le commerçant Dwayne Baker.

La dernière année a été particulièrement éprouvante puisque les travaux ont touché le coeur de l'artère commerciale. Si les premières années de travaux ont été difficiles, les derniers mois ont fait chuter de moitié l'affluence dans la rue, rapportent plusieurs commerçants. Ceux-ci auraient préféré voir la municipalité éviter de mener des travaux au printemps et se limiter à des travaux à l'automne. «Notre saison commence le 15 février, pas le 24 juin», déplore Jean-Claude Provost.

Sainte-Anne-de-Bellevue assure avoir fait aussi rapidement que possible. Il était impossible de mener les travaux seulement à l'automne en raison de leur ampleur. «Je ne vois pas comment on aurait pu faire pour 5,5 millions de travaux en trois mois dans une rue aussi étroite», dit Martin Bonhomme, directeur général de la municipalité. En plus de refaire les conduites d'eau, les égouts, les trottoirs et l'asphaltage de l'artère, la Ville en a profité pour enfouir les fils d'Hydro-Québec.

Réouverture de la rue

Devant la grogne, la municipalité a décidé d'accélérer la réouverture de la rue à la circulation. L'asphaltage de la voie doit être réalisé le 14 juin, tout juste à temps pour permettre la tenue le surlendemain d'une exposition de voitures antiques. Les commerçants attendent impatiemment cet événement pour recommencer à faire sonner leur tiroir-caisse.

«J'espère qu'il va faire beau le 16 juin parce que, sinon, je suis convaincu que plusieurs commerces ne passeront pas l'été», laisse tomber Jean-Claude Provost, président de la Société de développement commerciale de la rue Sainte-Anne. Pour l'heure, un seul commerce a fermé en raison des travaux, incapable de payer son loyer. Mais plusieurs autres seraient à l'agonie. Une douzaine de locaux sont actuellement vacants dans la section commerciale qui en compte moins d'une centaine.

Sensibles aux travaux routiers

Les rues commerciales sont très sensibles aux travaux routiers, souligne la Fondation des rues principales. «C'est clair qu'à partir du moment où il y a des travaux où les gens ne peuvent plus circuler ou se stationner à proximité, cela a un impact important. D'où l'importance que ça dure le moins longtemps possible», expose Jean-Yves Bernard, coordonnateur de projet.

Pour ramener les clients perdus, Sainte-Anne-de-Bellevue compte lancer une campagne publicitaire au cours de l'été. Malgré ses pertes occasionnées par les travaux, le commerçant Dwayne Baker se montre optimiste. «Avant, la rue était horrible. Maintenant, les trottoirs sont plus larges, c'est mieux aménagé. En fait, j'ai très hâte de voir à quoi ça va ressembler. Pour moi, c'est un nouveau départ pour le village. Sainte-Anne-de-Bellevue a tellement de potentiel que ça ne peut qu'aller mieux.»

Son optimisme n'est toutefois pas partagé par tous. Restaurateur, Nikolas Giannakopoulos craint de ne pouvoir récupérer les pertes subies au cours des derniers mois. «Pour moi, une rue est simplement une voie d'accès, rien de plus.» Pour lui, si la Ville avait voulu augmenter la fréquentation, elle aurait aménagé davantage d'espaces de stationnement ou transformé l'artère en rue piétonne.