L'Office québécois de la langue française (OQLF) veut s'attaquer aux commerces qui n'utilisent pas le français dans leur affichage. En 2012, 82% des entreprises du centre-ville de Montréal respectaient la Charte de la langue, révèle une des cinq études que l'Office a rendu publiques hier. Dès l'été, les inspecteurs cibleront les récalcitrants (18%) pour qu'ils se conforment à la loi.

Au lieu d'attendre une plainte pour agir, l'Office va prendre les devants en prenant contact avec les entreprises qui sont non conformes. Celles qui refuseront de corriger leurs affiches recevront une mise en demeure et leur dossier pourrait même être confié au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), qui aura le choix d'entamer ou non des poursuites judiciaires. L'Office menace également de suspendre le certificat de francisation des entreprises qui refuseraient de se conformer à la Charte, ce qui les empêcherait d'obtenir des subventions et des contrats du gouvernement.

Les études publiées hier montrent également que parmi les entreprises qui dérogent à la loi, 63% affichent des marques de commerce sans générique en français. «L'affichage est un problème: 82% respectent la Charte, mais ça en laisse tout de même 18% qui ne le font pas. Il y a un phénomène de tache d'huile: le fait que plusieurs marques de commerce n'utilisent pas de générique français peut avoir une influence sur les autres», soulève Louise Marchand, présidente-directrice générale de l'OQLF. L'Office souligne le cas de la boutique Crate & Barrel qui a fait le choix de se conformer à la Charte. L'entreprise, qui vient d'ouvrir une première succursale au Québec, a ajouté le générique «maison» sur son affichage de nom de commerce.

Même en s'attaquant plus férocement aux récalcitrants, Mme Marchand ne croit pas que de nombreux dossiers vont se retrouver devant les tribunaux. En moyenne, l'Office reçoit de 3000 à 3500 plaintes annuellement. Entre le 1er avril 2011 et le 31 mars 2012, le nombre de plaintes a toutefois bondi de 46% pour atteindre 4067. Malgré tout, seulement 2% des dossiers se rendent au bureau du DPCP et la plupart des entreprises décident alors d'appliquer la loi, rapporte Mme Marchand.

»Bonjour, good morning»

Les études démontrent aussi que les employés accueillent moins souvent leurs clients en français comparativement à il y a deux ans. En 2010, 89% de l'accueil dans les commerces du centre-ville de Montréal se faisait en français. En 2012, ce chiffre baisse à 74%.

Cependant, l'accueil en anglais n'a pas augmenté durant cette période. C'est plutôt l'accueil bilingue qui a connu une hausse en passant de 1% à 13% en deux ans. «Ce n'est pas une infraction à la Charte, mais ça peut contribuer au sentiment que Montréal s'anglicise», soulève Mme Marchand.

Marc Termote, démographe et président du Comité de suivi de la situation linguistique, a indiqué que près de la moitié des francophones ne demandent pas d'être servis dans leur langue lorsqu'on les aborde en anglais dans un commerce. «C'est inquiétant. Les francophones ont déjà démontré qu'il est important pour eux d'être servis en français, mais une fois qu'ils sont mis devant la situation, ils ne le demandent pas.»

Les clients auraient pourtant intérêt à demander un service en français puisque 95% des entreprises du centre-ville se conforment lorsqu'une telle demande est formulée.

Yves-François Blanchet, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, croit que l'Office a tardé à faire appliquer la loi. Il s'inquiète également du recul de l'accueil en français dans les commerces au profit de l'accueil bilingue.

«Si on est passé de 89% à 74% dans l'accueil en français seulement, c'est parce que les commerces de Montréal et du centre-ville de Montréal savent que, de plus en plus, leur clientèle va vouloir qu'on s'adresse à elle en anglais. Ça veut dire qu'il y a une anglicisation générale de la zone centre-ville de Montréal», a-t-il déclaré en conférence de presse.

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18% des commerces du centre-ville affichent un nom d'entreprise non conforme à la Charte.

63% des entreprises qui dérogent à la loi au centre-ville affichent des marques de commerce sans générique en français.

43% des francophones ne demandent pas d'être servis en français lorsqu'on les aborde en anglais.

74% des commerces du centre-ville accueillent leurs clients en français.

13% des commerces du centre-ville font un accueil bilingue