«Prison», «fracture», voire «criminogène». Les épithètes peu flatteuses ont déferlé hier sur le projet de construction de huit immeubles en copropriété dans le quartier Ahuntsic, au cours de la première journée de présentation des mémoires.

L'Office de consultation publique de Montréal (OCPM) en a reçu 115, soit le double de ce qu'avait suscité la consultation sur Griffintown. Une quarantaine de personnes seront entendues au cours de quatre audiences publiques, dont la dernière aura lieu le 6 juin.

Mardi après-midi, de la dizaine de participants qui se sont exprimés, presque tous ont dénoncé le projet, qui prévoit 932 logements répartis dans des édifices de 8 à 12 étages au sud de la prison Tanguay.

«Tous les projets actuels de prison se situent dans des parcs industriels ou des champs, a dit Maria Mourani, députée bloquiste d'Ahuntsic et criminologue. Ici, on veut construire près d'un millier de logements à côté de deux prisons. Déjà, des résidants des alentours signalent qu'on passe sur leur terrain pour tenter de faire entrer de la drogue.» Construire un immeuble de 12 étages près d'une prison est «une aberration du point de vue de la sécurité», estime la députée, qui demande à Québec d'analyser les impacts de cette proximité.

«Démocratie captive»

Un citoyen, Pierre Bastien, a dénoncé le fait que la superficie du complexe, de 40 864 m2, a permis au promoteur d'éviter la tenue d'un référendum, exception prévue par la charte de la Ville. «Il y a quelque chose de malsain lorsque la démocratie est captive d'un promoteur», a-t-il déclaré.

Étienne Brunet, conseiller municipal du parti de l'opposition Vision Montréal, estime que le complexe créerait une «fracture dans la trame urbaine» du secteur, essentiellement constituée de maisons individuelles et jumelées. La densité du projet, avec 228 logements à l'hectare, est quatre fois plus forte que dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville.

Il salue cependant le fait qu'on ait prévu 143 logements sociaux, seul aspect qui ait reçu un accueil favorable, hier.

Jean-François Gilker, représentant de l'organisme communautaire Bâtir son quartier, estime que le promoteur a fait ses devoirs pour assurer une mixité sociale adéquate. Le projet comporte également un parc de 4000 m2, «un espace central où tout le monde peut se sentir chez soi», ainsi qu'un centre de la petite enfance.

L'OCPM prévoit remettre son rapport en août. Le conseil municipal sera ensuite appelé à voter sur le projet. Les travaux pourraient démarrer dès l'an prochain.