Solution «inédite» selon ses auteurs, Vision Montréal propose que le travail des policiers soit scruté par un observatoire civil indépendant.

Selon Louise Harel, chef de Vision Montréal, la création de cette instance, qui aura la tâche d'enquêter sur les interventions policières causant une mort ou des blessures graves, permettra de restaurer la crédibilité du système. «Il est important de profiter de l'occasion pour rappeler la crise de confiance du public à l'égard du processus d'enquêtes policières», a-t-elle déclaré en point de presse mercredi.

Tandis que le Bureau civil proposé par la loi 46 ne fait que superviser les enquêtes, qui continuent d'être menées par les corps policiers, l'observatoire civil mènerait lui-même ses investigations, a précisé Réal Ménard, maire de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et vice-président de la commission sur la sécurité.

L'observatoire se pencherait sur deux aspects précis: le respect des pratiques policières et celui de l'utilisation de la force. Il serait composé de sept membres nommés pour cinq ans: un juge à la retraite ou un avocat criminaliste, trois professeurs issus des départements de techniques policières, deux civils et un professeur en criminologie.

L'originalité de la formule, c'est que tous ces civils devraient suivre un cours à l'École nationale de police sur les pratiques policières. Ils devraient notamment se familiariser avec le concept de «continuum de la force», illustré par un tableau complexe bien connu des experts.

«Ce n'est pas quelque chose d'ésotérique, ça s'apprend, c'est enseigné par des humains à d'autres êtres humains», a précisé M. Ménard.

Unanimité au conseil

C'est le ministère de la Justice, et non celui de la Sécurité publique, qui saisirait l'observatoire d'un mandat d'enquête. Celui-ci aurait le pouvoir de recommandation, du blâme jusqu'à la destitution, mais la décision appartiendrait au corps policier.

M. Ménard a fait part de sa proposition mercredi en fin de journée à l'Assemblée nationale, où la Commission des institutions étudie le projet de loi 46. La Ville de Montréal, représentée par Michel Bissonnet, a fait de même peu après; elle a réclamé la participation de civils au sein des équipes d'enquête. De concert avec l'opposition, l'administration Tremblay demande depuis deux ans la mise sur pied d'un organisme d'enquête indépendant sur le modèle ontarien. Par communiqué, M. Bissonnet a cependant lancé une flèche au parti de Mme Harel. «En deux ans de débat à ce sujet au conseil municipal, jamais Vision Montréal n'a même mentionné l'idée d'un observatoire civil!»

Le parti de la deuxième opposition, Projet Montréal, a réclamé le retrait pur et simple du projet de loi, car il estime qu'il ne rétablirait pas la confiance du public dans les cas où des civils sont tués ou blessés par des policiers. L'observatoire proposé par Louise Harel n'est «que de la poudre aux yeux» et n'aurait que des pouvoirs très limités, a dénoncé le parti par communiqué.

Motion adoptée à l'unanimité

Lundi dernier, au conseil municipal de Montréal, une motion réclamant un organisme d'enquête indépendant a été adoptée à l'unanimité. Il s'agissait de la troisième motion sur le même sujet depuis mars 2010.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) dénonce elle aussi le projet de loi 46. Il ne fait que perpétuer le «statu quo», ce qui est «inacceptable», a regretté mercredi son président Gaétan Cousineau. Il faut un mécanisme d'enquête «indépendant, transparent et imputable», soutient-il. Il faudrait créer un Bureau des enquêtes spéciales, composé principalement d'enquêteurs civils. Des policiers pourraient y participer «au besoin».

- Avec Paul Journet