Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, se prépare à monter de nouveau au créneau et à réclamer dans les prochaines semaines un meilleur «partage de la richesse» au gouvernement Charest, pour permettre à la Ville de faire face à ses responsabilités.

Les discussions amorcées avec Québec se sont subitement assombries cette semaine, avec l'annonce sur les radars photo.

Au cours des dernières semaines, la Ville de Montréal est revenue à la charge auprès de Québec pour demander que ses sources de financement soient revues en profondeur. La dernière table Québec-municipalité, à la mi-janvier, s'est transformée en consultation prébudgétaire. Le ministre Raymond Bachand y a évoqué la possibilité d'arrimer les transferts aux villes à la performance économique, s'inspirant d'une formule utilisée pour le règlement avec les syndiqués du secteur public, en juin 2010.

M. Tremblay voulait que Québec répartisse les transferts «en fonction de la création de richesse» des villes. «J'ai senti une ouverture importante, pour la première fois... et ça fait 11 ans que je suis maire», a résumé hier M. Tremblay dans un entretien à La Presse.

«Je reconnais les efforts de Québec, mais on ne pourra pas développer la métropole du Québec avec seulement des taxes foncières. On est à la limite. Montréal crée énormément de richesse, génère de la taxe de vente, de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés, la taxe sur la masse salariale. Ça s'en va tout à Québec», a-t-il tranché.

Hier, les ministres Laurent Lessard et Raymond Bachand ont rappelé à La Presse que Québec avait déjà offert énormément à Montréal. «Ils disent toujours ça. C'était le même discours sous le gouvernement Bouchard. André Boisclair me disait tout le temps: "Gérald, on t'a tout donné!"», lance M. Tremblay.

La décision sur les radars photo illustre cette mésentente. «C'est la goutte qui a fait déborder le vase», lance M. Tremblay, ulcéré que le maire Régis Labeaume ait déclaré que Montréal voulait avoir le droit de déployer 200 radars photo. Des appareils sont déjà installés depuis 2009. À lui seul, celui d'Atwater a récolté 10 millions de contraventions: «De l'argent de Montréal parti à Québec!», déplore M. Tremblay.

Une autre table Québec-municipalités est convoquée aujourd'hui à Québec pour amorcer la préparation du prochain «pacte fiscal» avec les villes.

«Montréal a déjà beaucoup!»

Montréal a aussi réclamé dans ses échanges avec le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, une nouvelle hausse de taxe de 5 cents le litre sur l'essence - une recette d'environ 125 millions pour la Société de transport de Montréal (la taxe de 1,5 cent déjà accordée à toute la Communauté métropolitaine (CMM) représente 50 millions). L'an dernier, Québec a accepté de hausser l'immatriculation pour l'île de Montréal, ce qui fournit 26 millions par année à Gérald Tremblay. Montréal veut que cette hausse soit étendue à toute la CMM. Québec a accordé un pouvoir «habilitant» pour permettre à Montréal de hausser les taxes, une mesure qu'on a limitée au stationnement pour 20 millions de recettes supplémentaires.

Mercredi, les intentions de Québec en matière de radars photo ont mis le feu aux poudres. Montréal a été laissé sur la touche et le maire Tremblay en a profité pour lancer une première salve en accusant le gouvernement Charest de faire fi des obligations énormes de Montréal. M. Tremblay est manifestement irrité par l'attitude du ministre des Transports, Pierre Moreau: «On a travaillé pendant cinq ans, on a un consensus de 82 villes sur un plan de transports en commun, et tout à coup, sans en parler à personne, il remet tout ça en question.» Cette attitude est de bien mauvais augure à la veille de la renégociation du pacte fiscal, prévient-il.

«Il y a déjà beaucoup de choses pour Montréal», a insisté Raymond Bachand dans un entretien à La Presse. «Montréal est une métropole, il faut l'aider. Si Montréal ne va pas bien, c'est le Québec qui ne va pas bien», a dit M. Bachand, ministre responsable de Montréal. Québec n'a jamais autant investi dans les transports en commun, conséquence des projets de rénovation des lignes et des voitures de métro. Le train de l'Est est en construction; en culture, Québec a appuyé le Quartier des spectacles, la salle de l'Orchestre symphonique de Montréal et le Musée des beaux-arts.

Selon Laurent Lessard, responsable des Affaires municipales, «il y a beaucoup d'investissements à Montréal. C'est devenu l'île aux grues, tant il y a de construction dans le paysage».

Récemment, Québec a mis de l'argent dans les gares de triage et accordé la contribution spéciale sur l'immatriculation. Le budget d'il y a deux ans prévoyait 175 millions pour la métropole. «On a mis de l'argent pour l'épuration des eaux, un plan ambitieux pour le remplacement des conduites d'eau... Honnêtement, Montréal a eu beaucoup», a conclu le ministre Lessard.