Le Bureau de la sécurité des transports (BST) mène présentement une «enquête complète» sur les locomotives hybrides de l'Agence métropolitaine de transport (AMT), à la suite d'un déraillement mineur survenu à la gare Centrale de Montréal, il y a deux mois, sur la ligne de train de banlieue de Mont-Saint-Hilaire.

Le BST, un organisme indépendant spécialisé dans la recherche de causes d'accident pouvant mettre en cause la sécurité du transport aérien, ferroviaire et maritime, au Canada, a classé cet événement comme un cas de «catégorie 3», et a entrepris cette enquête dans les heures qui ont suivi l'incident du 9 décembre dernier.

Le déraillement n'a pas fait de blessés. Les dégâts matériels ont été relativement peu importants.

Selon les informations obtenues par La Presse, le BST est toutefois intéressé par le comportement de la locomotive impliquée dans l'incident, une ALP-45DP flambant neuve qui avait été mise en service seulement 10 jours avant le déraillement.

Fabriquées en Allemagne par Bombardier, ces locomotives, dites «bimode», peuvent rouler au diesel ou à l'électricité. Elles sont d'une conception inédite pour les chemins de fer nord-américains. Très lourdes, leur masse de près de 131 000 kg dépasse par 10 à 14 tonnes le poids des locomotives diesel conventionnelles présentement utilisées par l'AMT.

Elles sont aussi beaucoup plus coûteuses que des locomotives conventionnelles. Les 20 exemplaires commandés par l'AMT en 2008 coûteront chacune près de 12 millions. En comparaison, la société Go Transit, qui exploite les trains de banlieue de Toronto, a mis en service de nouvelles locomotives conventionnelles, à partir de 2008, à un prix unitaire de 5,3 millions.

Rail déformé

Selon des informations publiées dans la circulaire Canadian Railway Observations, ces locomotives très puissantes «exercent une force beaucoup plus élevée que celle d'une locomotive conventionnelle» sur les voies ferrées, «en particulier lorsqu'elles fonctionnent en mode électrique». Des sources ont confirmé à La Presse qu'au moment de l'incident du 9 décembre, les voies ferrées à la gare Centrale ont subi une légère déformation.

Aucune date n'est avancée pour la publication du rapport du BST sur cet incident. Celle-ci sera précédée d'un long processus d'analyse et d'approbation, suivi d'échanges avec des parties intéressées, dont Bombardier Transport et l'AMT.

Aucune restriction de circulation n'a été imposée à l'AMT pour ses locomotives, dans l'attente du rapport d'enquête. À l'AMT, la porte-parole Brigitte Léonard a toutefois indiqué vendredi que des essais sur rail ont été suspendus, en attendant les résultats d'une enquête interne.

Cette enquête est notamment menée en collaboration avec le Canadien National (CN), propriétaire de la voie ferrée où s'est produit l'incident.

L'AMT a reçu, à ce jour, 8 des 20 locomotives commandées à Bombardier en 2008. Selon Mme Léonard, celles-ci subissent différents tests «en phase statique» dans les ateliers et garages de l'agence, responsable du réseau de trains de banlieue de la métropole. Aucune date n'est encore prévue pour leur mise en circulation.

L'Agence se retrouve ainsi avec un important parc de matériel roulant inutilisable, et flambant neuf, dont la valeur dépasse les 100 millions. En plus des 8 locomotives livrées par Bombardier, qui sont temporairement immobilisées, l'AMT a déjà pris livraison des 160 voitures de passagers multiniveaux commandées un an avant les locomotives, à Bombardier. Une trentaine de ces voitures devait être mise en service au printemps prochain sur la ligne de Deux-Montagnes pour améliorer et augmenter les services aux usagers. Elles ne peuvent toutefois pas être utilisées sans les locomotives ALP-45DP parce que cette ligne de train est exploitée seulement en mode électrique, en raison de la traversée du tunnel du mont Royal.