L'imposition de péages routiers à Montréal «pourrait isoler l'île du reste du Québec en matière de consommation et de coût de la vie» et risque de décourager les banlieusards de s'y rendre pour leurs loisirs ou le magasinage, si les tarifs «ne tiennent pas compte de la réalité économique».

Le président de l'Association du camionnage du Québec, Marc Cadieux, a fait cette mise en garde, hier, en réaction aux suggestions de la Société de transport de Montréal (STM) de faire appel aux taxes sur l'essence ou à des péages routiers pour combler les besoins de financement de plus en plus urgents dans les réseaux de transports collectifs du Québec.

En entrevue, M.Cadieux a indiqué que l'industrie du camionnage n'est pas favorable aux péages routiers, mais qu'elle a adopté une attitude «plus réaliste», dans les cas de l'autoroute 30 ou du pont qui remplacera le pont Champlain, où l'imposition d'un péage est prévue. Ce sont de nouvelles infra-structures, dont la construction est d'une importance stratégique pour Montréal. L'idée d'imposer un tarif sur tous les ponts de Montréal ou de tarifer l'usage de l'ensemble du réseau autoroutier au kilomètre rencontrerait toutefois de fortes résistances, souligne-t-il.

«Il faut faire attention de ne pas faire de l'île de Montréal une sorte d'enclave à la manière de Manhattan, où tout est plus cher qu'ailleurs parce que toutes les marchandises qu'on livre sont frappées de surcharge à cause de la congestion, des délais de livraison ou des coûts d'accès», a-t-il souligné.

Le CAA-Québec accueille pour sa part assez froidement la recommandation de la STM de faire appel «à une participation accrue des automobilistes» pour financer des projets de transports collectifs. «Les poches des automobilistes ne sont pas sans fond», fait remarquer le porte-parole du CAA, Cédric Essiminy, en soulignant que les usagers de la route feront des contributions de plus de 800 millions, cette année, qui seront versées directement dans les transports collectifs ou dans le Fonds des infrastructures routières et du transport en commun (FORT), qui finance les projets des sociétés de transport.

Un exercice pédagogique

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) entend organiser, pour sa part, une commission de consultation publique sur le financement des réseaux de transports collectifs, où la question du péage routier sera abordée.

La directrice du Forum Urba 2015, Florence Junca-Adenot, qui a organisé un colloque sur le financement des transports, il y a moins d'un an, s'est réjouie, hier, de l'initiative de la CMM et «des impacts pédagogiques de cet exercice. Collectivement, il est grand temps qu'on prenne bien conscience de la précarité de la situation du financement des infrastructures de transport et, en ce sens, cette commission va certainement jouer un rôle utile.»

Le groupe de promotion des transports en commun Transports 2000 Québec s'est aussi montré en faveur de l'initiative de la CMM, «à condition qu'elle soit centrée sur les besoins des usagers et qu'elle favorise l'émergence de consensus dans la population de la région».

En banlieue, où les projets de péages routiers sont perçus avec suspicion, une majorité des maires contactés par La Presse, hier, n'ont pas retourné nos appels. Le maire de Brossard, Paul Leduc, s'est dit favorable à la consultation de la CMM, mais il s'est interrogé à haute voix sur la volonté de la STM «d'ouvrir un front sur le péage routier».

«Le gouvernement fédéral a déjà décidé qu'il y aura un péage sur le pont Champlain. Cette décision-là paraît incontournable. Est-ce que ce serait plus équitable pour tout le monde, dans ce contexte, si on mettait les péages sur tous les ponts? Sans doute. Ça ne veut pas dire que c'est la meilleure solution et que ça n'aura pas d'impacts sur la vie des gens.»