La Ville de Montréal, poursuivie par le vérificateur général Jacques Bergeron pour avoir espionné ses courriels pendant un an, se défend en multipliant les allégations «superflues, calomnieuses et abusives». C'est du moins la prétention de l'avocate de M. Bergeron, Me Chantal Chatelain, qui a soutenu ce matin que ces accusations n'ont rien à voir avec le fond de la cause et doivent être effacées des documents.

«C'est une attaque tous azimuts qui vise à intimider et à bâillonner le vérificateur général», a déclaré Me Chatelain à la juge Guylène Beaujé, lors de la troisième et dernière journée d'audiences préliminaires de cette cause. Une ordonnance de non-publication empêche de donner les détails de ces accusations.

La défense affirme vouloir «simplifier le débat» pour aller rapidement au fond de la question, c'est-à-dire la légalité des intrusions dans les courriels de Jacques Bergeron. «Il y a des allégations qui, même si elles ne mènent à aucune conclusion, même si on n'y demande pas la destitution de M. Bergeron, font dévier le débat», a expliqué aux journalistes Me Chatelain.

Accepter cette demande «reviendrait à museler notre défense», estime de la Ville, Me Sylvain Lussier. Il a reconnu qu'il était «plutôt rare» qu'on demande de modifier la défense de la partie adverse.

Division au conseil municipal

La requête présentée ce matin par le vérificateur général concerne des faits présentés par la Ville comme justifiant son intrusion dans sa boîte de courriels. On veut en outre écarter de la preuve le rapport du contrôleur général Pierre Reid résumant l'affaire.

Le 22 février dernier, le conseil municipal de Montréal, dominé par le parti du maire Gérald Tremblay, avait également adopté une résolution que le vérificateur général souhaite aujourd'hui voir annulée. Essentiellement, on demandait à Québec de décider des mesures à prendre contre le haut fonctionnaire, étant donné le «sérieux des gestes commis, de nature à entacher la fonction qu'il occupe». La résolution avait été votée à 35 voix contre 23 contre, et les deux partis d'opposition avaient tenu à signifier leur dissidence.

Même s'il ne s'agissait que d'audiences préliminaires, la discussion entre avocats ce matin a plusieurs fois abordé le coeur de la question. Il y en a deux, en fait : la Ville disposait-elle de motifs raisonnables et suffisants pour surveiller la correspondance de son vérificateur général? A-t-elle utilisé des moyens raisonnables et rationnels pour mener cette enquête?

Selon Me Chatelain, les éléments de preuve obtenus par ces intrusions qualifiées «d'illégales» sont par nature «viciés et illégaux», des «fruits empoisonnés» d'une procédure injustifiable. Pour l'avocat de la Ville, Me Sylvain Lussier, la jurisprudence montre plutôt qu'«il faut regarder le résultat» pour juger de la pertinence de la méthode.

En fin de matinée, la juge a annoncé qu'elle rendrait sa décision sur cette requête «le plus rapidement possible», vraisemblablement avant le temps des Fêtes. Elle se prononcera en même temps sur les deux autres requêtes déposées cette semaine, l'interdiction de publication des courriels du v.g. et le paiement de ses frais d'avocats par la Ville.