Il y a 10 ans, les Montréalais ont porté au pouvoir un ex-ministre libéral, Gérald Tremblay. Le premier maire de la nouvelle métropole fusionnée a connu sa part de controverses, obtenu des taux d'appui catastrophiques dans les sondages... mais il a été réélu sans coup férir en 2005 et en 2009. À mi-chemin de son troisième mandat, La Presse l'a rencontré pour l'heure des bilans. Son principal défi, estime-t-il: mieux communiquer ses bons coups.

Q Est-ce que vous trouvez que les gens sont injustes envers vous? Le bilan que vous faites et celui qu'on entend sont diamétralement opposés.

R Les gens s'expriment en fonction de ce qu'ils entendent, de ce qu'ils voient et lisent. Je prends ces critiques d'une façon constructive: ça veut simplement dire qu'il faut mieux communiquer les réalisations des 10 dernières années. Il se passe des choses que je qualifie d'inédites à Montréal.

Q Mieux communiquer, ça ne touche pas le fond de ce qui doit être fait, par contre... Y aurait-il des choses à changer, selon vous, outre les façons de communiquer?

R Tant que la lumière ne sera pas faite sur des allégations de corruption et de collusion, tant que les gens ne réaliseront pas qu'à Montréal, il n'y a jamais eu autant d'activité économique, avec 60 grues et 208 chantiers qui totalisent 17 milliards de dollars... Il y a des choses positives à Montréal, il s'agit de peut-être mieux les expliquer. C'est ce qu'on va faire dans les prochaines semaines.

Q Est-ce que vous allez vous présenter aux prochaines élections, après les dernières années qui ont été difficiles?

R Je suis en réflexion. Je suis très sérieusement en réflexion. La cause est noble, on parle du développement économique, social et culturel de la métropole. Il y a des signes encourageants, par exemple, tout le débat qui se fait au sein de la Communauté métropolitaine de Montréal. Comment peut-on, dans l'adversité, continuer à être optimiste et positif? C'est une question de défi.

Je suis chanceux, dans le fond. Je suis devenu maire de Montréal il y a 10 ans, à un moment où la métropole était à la croisée des chemins. Il y avait un déficit démocratique important, les citoyens trouvaient qu'ils n'avaient pas de voix. Personne ne voulait s'attaquer aux infrastructures souterraines et au réseau routier. Quand je suis arrivé, il y a eu un geyser, boulevard Pie-IX [causé par le bris d'une conduite d'eau]: 55 000 personnes n'ont pas eu accès à l'eau potable. Tu fais quoi, Gérald? Le logement social, il n'y en avait pas beaucoup. On a décidé de faire 15 000 logements. Qui parlait des transports en commun? Personne. Je me suis rendu à Ottawa, et on a une taxe d'accise de 5 cents le litre d'essence, qui est consacrée en partie aux transports en commun.

Vous avez le Quartier des spectacles, les centres hospitaliers qui sont en train de naître, l'Espace pour la vie, l'autoroute Bonaventure; les quatre engagements qu'on a pris, on est en train de les réaliser. Tant qu'il va y avoir des défis, je vais vouloir les relever.

Q En ce qui concerne les problèmes de perception, il y a évidemment la question des hausses d'impôt foncier, qui sont impopulaires. En 2009, La Presse a révélé que votre administration prévoyait augmenter le fardeau fiscal de 16%. Vous avez alors poussé les hauts cris. En deux ans, la hausse est plutôt proche de ce chiffre - 10% jusqu'à maintenant, probablement près de 4% l'an prochain. Reconnaissez-vous que ces hausses sont nettement supérieures à ce que vous aviez promis?

R C'est difficile de dire d'avance quel va être le niveau de taxation. Il peut y avoir une conjoncture qui est différente, une crise économique, une crise financière. À ce moment-là, il y avait des perspectives qui étaient peut-être un peu... différentes. On essaie dans la mesure du possible de ne pas augmenter le fardeau fiscal au-delà de l'inflation, à 2,5% cette année. Mais ce qu'on a fait sur le plan de la voirie et des infrastructures nécessite des investissements du fonds de l'eau. On n'a pas encore pris cette décision, la commission de l'eau étudie la question, en toute transparence.

Q Rétrospectivement, quand on pense à ce qui s'est passé avec les compteurs d'eau, la Société d'habitation de Montréal, Frank Zampino, diriez-vous que vous vous êtes mal entouré à une autre époque?

R On aurait dû avoir plus d'information. Dans l'affaire des compteurs d'eau, il y a de l'information qui a circulé à l'interne qui nous aurait permis d'allumer des lumières rouges, sur l'ampleur du projet, par exemple. Était-ce essentiel de faire 30 000 compteurs pour, par exemple, la petite boutique de prêt-à-porter dans un centre commercial qui a un petit lavabo et des toilettes? C'est de l'information qui ne s'est jamais rendue aux élus. Ça, ça a complètement changé.

Q Vous êtes perçu comme l'architecte de la décentralisation. Estimez-vous, comme de nombreux observateurs, que les arrondissements ont trop de pouvoir?

R Il faut se mettre dans le contexte des défusions. C'est Gérald Tremblay qui a alors pris le bâton de pèlerin, je n'ai entendu personne se battre pour Montréal comme je me suis battu. J'ai réussi à convaincre 10 grandes villes, 600 000 personnes, de se joindre à Montréal. Oui, j'ai fait des concessions, elles étaient inévitables, sinon on serait revenus à la case départ avec une ville d'un million de personnes.