Le mouvement Occupons Montréal ne semble pas sur le point de s'essouffler. Une semaine après que les premiers piquets de tente aient été plantés dans le sol du square Victoria, les «indignés» se disent déterminés à y rester. Le site de campement affichant complet, le mouvement cherche maintenant une façon de prendre de l'expansion.

Elles étaient une quinzaine samedi dernier. Aujourd'hui, on en dénombre 190, selon un décompte fait par Occupons Montréal. Cent quatre-vingt-dix tentes, érigées de façon désordonnée, à l'ombre des arbres du square Victoria et au pied de la tour de la Bourse. Le terrain de camping improvisé affiche complet. Or, avec le début de la semaine de relâche, les «indignés» s'attendent à voir leurs rangs gonflés par de nombreux étudiants universitaires en congé. Pour répondre à la demande, le mouvement étudie la possibilité d'occuper un autre terrain. Or, le propriétaire du carré vert situé juste en face a parsemé son terrain d'affiches interdisant le camping. «On étudie la possibilité de s'étendre à d'autres squares, mais on veut rester le plus près possible de notre lieu d'occupation», indique Éric Robertson, l'un des membres de l'équipe de sécurité du site. Devant la croissance rapide du camp, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a demandé cette semaine aux «indignés» de mettre fin à leur expansion et de se limiter au square Victoria. «Nous suivons la situation de près», a déclaré samedi le porte-parole du SPVM, Danny Richer. Le Service des incendies de Montréal surveille aussi étroitement les lieux. La proximité entre les tentes et la présence de propane sur le site accroît les risques d'incendie.

À l'intérieur du campement, les choses s'organisent. Des toilettes portables ont été installées. Un centre de dons offre aux campeurs des vêtements chauds. Une cuisine a été mise en place pour nourrir les «indignés». Hier soir, 800 repas ont été servis. «On fonctionne presque juste avec des dons, souligne Maxime Beauchemin, un chef-cuisinier présentement sans emploi venu passer quelques jours avec les «indignés». Des restaurants, des boulangeries et des cafés nous apportent de la nourriture. On réussit à nourrir tout le monde.» Les bénévoles de la «cuisine du peuple» s'approvisionnent en eau dans les édifices et commerces environnants. Deux génératrices alimentent le campement en électricité.

La nuit, une vigile a été mise en place pour éloigner les troubles-fêtes. Cette semaine, des individus qui, selon plusieurs manifestants, ne sont pas liés au mouvement, sont venus perturber la quiétude des campeurs. Le SPVM n'a toutefois procédé à aucune arrestation. «Nous avons quelque chose d'extrêmement fragile ici à préserver, observe Éric Robertson. Les tactiques pour nous discréditer n'arrêteront pas.» Il soutient que certains policiers du SPVM dirigent les sans-abri vers le square Victoria. «On ne veut pas exclure les sans-abri, précise Marc-Antoine Marquis, un étudiant du cégep de Rosemont qui participe au mouvement depuis ses débuts. Autant un sans-abri qu'un multimillionnaire a quelque chose à apporter à la société.» Les sans-abri qui se joignent aux «indignés» doivent toutefois se plier aux règles du campement qui interdisent notamment la consommation de drogue et d'alcool.

Beaucoup de manifestants semblent déterminés à occuper les lieux pour plusieurs semaines encore. «Nous allons avoir des yourtes pour passer l'hiver!», lance Marc-Antoine Marquis. «Avec les cours et les devoirs, c'est difficile de coordonner tout ça et d'être en forme pour aller à l'école, concède Laurie Tatibouët, étudiante au Cégep de Saint-Laurent. Mais, tout est lié. Si on ne réagit pas maintenant, ce sont aussi nos études qui vont en pâtir.» La hausse des frais de scolarité est notamment décriée par plusieurs manifestants qui arborent sur leur manteau le petit carré rouge devenu le symbole de l'endettement étudiant.

Mais vu la diversité des revendications, qu'est-ce qui pourrait convaincre les «indignés» de plier bagage? «On veut remettre le pouvoir aux citoyens, répond Éric Bouthillette, l'un des instigateurs du mouvement montréalais. Nous resterons tant qu'il n'y aura pas un changement complet.»