Un regroupement d'organismes environnementaux, de syndicats et autres se joint à l'Union des producteurs agricoles pour tenter de freiner l'érosion du territoire agricole dans la grande région de Montréal.

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) tiendra bientôt des audiences publiques sur le Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD) qui propose notamment un gel de cinq ans sur tout dézonage agricole, une idée que les organismes appuient et voudraient même pousser jusqu'à 20 ans.

«Ce n'est pas seulement un enjeu qui concerne les producteurs», a expliqué le président de l'UPA, Christian Lacasse, lors d'une conférence de presse mercredi à Montréal.

«C'est un enjeu qui concerne tout le monde parce qu'à chaque fois qu'on sacrifie des hectares en sol cultivable, on vient d'enlever une tablette dans notre garde-manger et ça, il faut que ça arrête », a-t-il ajouté.

Il a déploré que quelque 3000 hectares de terres agricoles aient été dézonés à des fins de développement depuis 10 ans dans la région métropolitaine.

«Nous avons perdu, depuis les dix dernières années, l'équivalent de 30 fermes au Québec qu'on ne retrouvera jamais. Pendant ce temps, on entend des maires qui dénoncent un gel possible sur le dézonage. (...) Ces gens-là souhaiteraient encore dans les prochaines années continuer de sacrifier les meilleures terres agricoles au Québec, soi-disant pour favoriser ou répondre à des besoins de développement économique et résidentiel», a dénoncé M. Lacasse.

Or, le territoire de la CMM compte déjà plus de 10 000 hectares dézonés et disponibles pour le développement résidentiel et près de 6000 hectares vacants pour le développement industriel et commercial, une réserve qui justifie amplement de stopper tout dézonage additionnel, selon M. Lacasse.

«Il faut arrêter de voir les terres agricoles comme une banque de terrains disponibles pour faire autre chose que de l'agriculture », a martelé le président de l'UPA.

Les membres du regroupement dénoncent le manque de vision d'ensemble qui pave la voie à un dézonage à la pièce profitant d'abord aux promoteurs.

«Le mode de développement qu'on a en ce moment enrichit quelques spéculateurs au détriment des générations à venir », a soutenu Karel Mayrand, directeur général de la fondation David Suzuki. Ce dernier, tout comme le président de l'Ordre des architectes, André Bourassa, ont fait valoir qu'il était non seulement possible, mais impératif de changer les méthodes de développement afin d'accroître la densité de population sur les territoires en développement.

M. Bourassa en a profité pour dénoncer le rôle des élus municipaux dans cette approche de développement.

«N'importe quel maire, n'importe quel élu d'une municipalité va aimer beaucoup mieux couper un ruban pour un nouvel immeuble, un nouveau développement commercial qui s'ouvre que de ne pas couper de ruban sur une terre agricole qui continue de produire », a-t-il dit.

Les intervenants ont pointé du doigt le manque de vision des élus municipaux qui cherchent à développer des secteurs afin de profiter à court terme d'un élargissement de leur enveloppe fiscale et des retombées politiques positives. Ils ont également dénoncé les pratiques de spéculateurs qui achètent des terres agricoles pour les laisser en friche et donner l'impression qu'elles ne servent pas afin d'obtenir plus facilement leur dézonage alors qu'elles pourraient être extrêmement productives.

Christian Lacasse qualifie ces pratiques de véritable gaspillage et le président de l'Ordre des agronomes du Québec, René Mongeau, a souligné que la région de Montréal représente un patrimoine agricole unique au Québec puisqu'elle offre à la fois le meilleur climat et la plus grande qualité des sols.

«C'est un joyau agricole parfois sous-estimé et même en partie sous-utilisé, a-t-il expliqué. Il faut être conscient que ce joyau a un rôle essentiel dans l'approvisionnement alimentaire, tant dans sa forme productive actuelle que dans le potentiel de toutes les terres encore en friche.»

En contrepartie, la présence du milieu urbain et du plus important bassin de population crée des pressions intenses pour le développement, mais ces pressions doivent être soulagées à même les banques de terres déjà dézonées.

«L'Erreur Boréale a fait beaucoup réfléchir, avec raison», a fait valoir André Bourassa, faisant référence au documentaire-choc de Richard Desjardins sur les pratiques forestières.

«Pourtant, après une coupe, la forêt peut repousser. Après l'installation d'une banlieue de faible densité, c'est fini l'agriculture, c'est fini pour toujours», a-t-il ajouté.