Alors que les scandales ne cessent d'éclabousser le monde municipal, trois jeunes diplômés ont décidé d'offrir un nouvel outil aux centaines de municipalités du Québec: une certification en éthique, sorte d'ISO de la bonne gouvernance. Blainville participe au projet pilote et pourrait devenir la première municipalité à recevoir la certification.

«Il y a un besoin qui est là dans le contexte politique actuel. Il y a une fenêtre d'action, explique l'instigateur du projet, Christian Bordeleau. Les maires ont besoin d'aide. Il y a 1139 municipalités au Québec et il n'y a pas suffisamment de ressources.»

La Presse a révélé la semaine dernière que des élus municipaux vont bientôt recevoir des cours d'éthique de la part d'une firme comptable. La firme, choisie par l'Union des municipalités du Québec (UMQ), obtient régulièrement des contrats auprès de municipalités. Selon M. Bordeleau, cette décision démontre à quel point il y a un besoin pour de véritables experts en éthique.

Le candidat au doctorat à la School of Public Policy and Administration de l'Université Carleton a ainsi eu l'idée de mettre sur pied une certification de bonne gouvernance. L'IGO-9002 sera officiellement lancée jeudi et deviendra le premier outil du genre dans le monde.

«Ce n'est pas facile de s'y retrouver pour la majorité des citoyens. Lorsqu'un maire vous dit: "Mon code d'éthique est le plus imposant du Québec" et que Mascouche le dit aussi, que Gatineau le dit aussi, que Saint-Constant le dit aussi... comment savoir que c'est bel et bien le cas? La certification vient répondre à cette question.»

Concrètement, les villes intéressées par la certification devront ouvrir leurs livres à l'équipe de Christian Bordeleau. Les experts d'IGO - pour Organisation internationale de gouvernance - vont ensuite produire une série de recommandations et diriger des formations. La certification sera accordée aux villes qui mettront en oeuvre les correctifs, mais pourra aussi être retirée.

«On veut faire des inspections pour s'assurer que les normes sont respectées. Par exemple, si vous avez mis sur pied une règle sur les cadeaux [remis aux élus], il ne faut pas que ce ne soit que cosmétique, il faut que ce soit aussi fonctionnel, illustre M. Bordeleau. Et si ça ne fonctionne pas, si les règles ne sont pas respectées, on retire la certification. C'est un privilège, la certification.»

Christian Bordeleau et ses partenaires, Christophe Fortier-Guay et Laura Cliche, sont épaulés par un comité d'experts présidé par Leslie Alexander Pal, directeur du Center for Governance and Public Management de l'Université Carleton.

«La force de ce comité, c'est d'être allé chercher des normes internationales - de l'OCDE, de la Banque mondiale, du FMI - et de les avoir adaptées à la gouvernance locale», explique M. Fortier-Guay.

«Le comité est formé de gens qui, sur le plan académique, ont de belles lettres de noblesse, poursuit M. Bordeleau. Ce ne sont pas des comptables, des gens qui du jour au lendemain sont devenus des experts en éthique après trois heures de formation. Ce sont des gens qui enseignent ça depuis 35 ans.»

Des villes intéressées

Pour lancer leur projet, les trois associés ont pris contact avec des municipalités québécoises de taille moyenne en leur offrant de participer à un projet pilote. Blainville, au nord de Montréal, a accepté de se prêter au jeu.

«La Ville de Blainville s'est montrée très intéressée, très enthousiaste. On était contents parce qu'elle aurait pu être fermée à cause de toutes sortes de situations, de défis, explique Christian Bordeleau. Et aussi à cause du climat politique actuel au Québec. Le contexte, on le connaît... C'est pour ça qu'on propose une innovation.» Un lancement aura lieu jeudi et il espère que d'autres villes imiteront Blainville et se lanceront dans le processus de certification.

La demande des municipalités pour une certification est bel et bien là, confirme René Villemure, de l'Institut québécois d'éthique appliquée. Ce spécialiste, qui n'a rien à voir avec IGO-9002, a souvent travaillé auprès de villes à titre de conseiller. Il demeure sceptique devant l'idée même de certifier la bonne gouvernance.

«Ce que ces gens-là vont offrir, ça m'est souvent demandé. Depuis des années, des villes, des organisations veulent avoir un "stamp" éthique, un ISO éthique, affirme M. Villemure. Moi, conceptuellement parlant, j'ai un peu de misère avec ça parce que c'est difficile de certifier ces choses-là.»

«L'éthique est affaire de contexte. Ce n'est pas parce que c'est bon pendant l'inspection que c'est bon après, lance-t-il. Disons que je suis sceptique.»

Mais Christian Bordeleau assure que sa certification sera sérieuse. Pas question de tourner les coins rond. «La valeur de la certification, c'est sa crédibilité. On va être extrêmement sévères, insiste-t-il. On aime mieux travailler avec quelques municipalités qui ont réellement le désir de surpasser les règles internationales en matière de bonne gouvernance plutôt que de travailler avec plus de municipalités qui seraient moins enthousiastes.»