Quelques mois après la publication d'un rapport accablant sur le profilage racial, la police de Montréal a décidé de changer la mission de sa brigade de lutte contre les gangs de rue, a appris La Presse. Le groupe Éclipse va élargir son mandat au-delà des gangs, cesser de cibler des secteurs troubles de la ville et épaulera désormais les postes de quartier.

Créé en 2008, le groupe Éclipse a essuyé de nombreuses critiques. Après la mort de Fredy Villanueva, au mois d'août de la même année, des criminologues ont suggéré qu'Éclipse avait pu aggraver les tensions entre la population et les policiers à Montréal-Nord. Le style direct et agressif des patrouilleurs de cette unité était selon eux incompatible avec celui de la «police communautaire» que prône le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Le nouveau mandat de la brigade découle d'ailleurs directement de l'affaire Villanueva, peut-on lire dans un document interne de la police daté du 8 septembre dernier. «Dans le cadre d'une enquête publique, le SPVM a fait l'objet de pressions médiatiques en plus d'être interpellé par ses partenaires communautaires sur le profilage racial et les méthodes d'intervention des policiers du groupe Éclipse», y explique-t-on.

À la suite de ces pressions médiatiques et communautaires, «une révision du mandat du groupe Éclipse est demandée par le directeur Marc Parent», précise le document, intitulé Révision du mandat du groupe Éclipse.

Les changements sont majeurs et reflètent le renforcement de l'approche «communautaire» au SPVM. Ils visent à harmoniser le travail de la brigade spéciale avec celui des postes de quartier. La mission d'Éclipse sera désormais de soutenir les policiers locaux quand ils en font la demande.

Les patrouilleurs de la brigade ne cibleront plus des «endroits criminogènes» - comme les parcs ou les bars fréquentés par des gangs -, mais plutôt les individus eux-mêmes. La principale cible de la brigade devient «la criminalité de violence sous toutes ses formes» au lieu des gangs.

Les quartiers multiethniques ne sont plus visés

Cette vaste refonte était attendue depuis la nomination en août 2010 de Marc Parent à la tête du SPVM. Le nouveau chef a toujours été critique de la brigade et avait déclaré quelques semaines après sa nomination qu'elle «véhiculait une image négative du SPVM auprès des jeunes».

Puis un rapport commandé par le SPVM a conclu que la naissance d'Éclipse coïncidait avec une hausse marquée des contrôles d'identité de personnes noires à Montréal-Nord. Au printemps, à l'issue d'une consultation publique sur le profilage racial, la Commission des droits de la personne a invité le SPVM à «revoir ses politiques et ses pratiques» en matière de lutte contre les incivilités «afin d'en détecter et d'en éliminer les impacts discriminatoires».

Pour Réal Ménard, qui siège à la Commission de la sécurité publique de la Ville, ces changements sont une excellente nouvelle. «Je suis très content que M. Parent et le SPVM aient réorienté le mandat d'Éclipse, a expliqué l'élu de Vision Montréal, hier. Ce qui me réjouit, c'est qu'on ne cible plus des endroits criminogènes comme des parcs, des ruelles, des rues, mais qu'on s'attaque vraiment à des individus. On fait vraiment du profilage criminel en ciblant des individus.»

«Éclipse ne fait plus que des interventions dans les quartiers multiethniques, mais bien dans l'ensemble de la Ville de Montréal», note Réal Ménard.

La Ville de Montréal a préféré ne pas commenter la nouvelle et a dirigé La Presse vers le SPVM, où personne ne nous a rappelé.