À l'heure où le maire Gérald Tremblay propose un système de péage à la grandeur du Québec, Montréal songe depuis trois ans à un plan pour tarifer l'utilisation des autoroutes dans sa périphérie afin de créer un cordon invisible payant pour les automobilistes.

Dans son plan de transport 2008, la Ville de Montréal propose de financer les transports en commun et l'entretien du réseau routier à l'aide d'un péage régional, sans toutefois préciser comment elle compte implanter un tel système. Selon ce qu'a appris La Presse, les travaux réalisés depuis par l'administration municipale visent à implanter des bornes électroniques sur les diverses autoroutes qui relient les 82 villes de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

On a examiné les diverses méthodes de péage qui existent dans le monde pour arriver à l'idée d'un cordon qui ceinturerait la région, explique le directeur des transports de la Ville, Claude Carette. Depuis 2003, les automobilistes de Londres, au Royaume-Uni, doivent payer chaque jour des frais de 16$ dès qu'ils se trouvent dans le centre-ville, sous peine d'une amende pouvant s'élever à 285$. À Stockholm, en Suède, les automobilistes paient de 1,50$ à 3$ lorsqu'ils franchissent le cordon imaginaire qui ceinture le centre-ville. «Ainsi, on n'a pas à repayer si on reste dans la zone, contrairement à Londres, où il faut payer chaque jour», précise Claude Carette. Autre solution: les automobilistes peuvent payer selon le kilométrage parcouru, comme à Toronto, où chaque kilomètre parcouru sur l'autoroute 407 coûte de 19 à 23 cents.

Montréal semble vouloir opter pour une solution hybride en mettant en place plusieurs cordons concentriques, ce qui ferait augmenter la facture selon la distance parcourue. Ainsi, un automobiliste qui arriverait de Québec par l'autoroute 20 pourrait avoir à payer une fois en entrant dans la CMM à Mont-Saint-Hilaire, une autre fois avant d'entrer dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, et encore une autre pour entrer au centre-ville.

L'emplacement précis des bornes et le nombre de cordons n'ont pas encore été déterminés, assure M. Carette, qui ajoute que le système n'entraînerait aucun ralentissement puisque les vieux postes de péage laisseraient place à des bornes qui enregistreraient automatiquement le numéro d'immatriculation des voitures.

Péages autorisés... hors des autoroutes

Seul hic, Montréal ne peut implanter des péages que sur les routes qui relèvent de sa responsabilité. Un problème de taille puisque les autoroutes et les ponts relèvent des gouvernements provincial et fédéral.

«La Ville de Montréal, comme toute autre municipalité locale du Québec, dispose des pouvoirs nécessaires pour installer des péages sur ses routes afin d'en financer la construction ou l'entretien», souligne Caroline St-Pierre, porte-parole du ministère des Affaires municipales.

Or, déployer un système de péage à chacune des sorties des autoroutes qui traversent Montréal coûterait extrêmement cher, souligne M. Carette. L'autoroute 40, qui traverse l'île d'ouest en est, compte à elle seule une centaine de sorties.

Pas de plan régional

Trois ans après la présentation de son plan de transport, Montréal est encore loin d'avoir convaincu Québec et Ottawa. Même les élus de la région n'ont pas encore appuyé le projet. «Il n'y a pas de position officielle au moment où on se parle», a confirmé Jean-Michel Boisvert, conseiller en planification des transports à la CMM.

Montréal estime que ce péage régional permettrait de percevoir 450 millions par an, dont la moitié serait partagée avec les 81 autres villes de la région. Les automobilistes paieraient un peu plus de 5$ par jour pour entrer dans l'île, selon M. Carette.

Si plusieurs villes dans le monde ont implanté un système de péage à leur entrée, l'Association internationale des ponts, tunnels et autoroutes à péage indique qu'aucun pays ou province n'a jamais eu recours à cette mesure pour financer l'entretien de la totalité de son réseau routier. Mais plusieurs en rêvent.

«Quand il y a un péage, c'est pour financer la construction et l'entretien de la route sur laquelle il se trouve, pas d'un réseau entier», dit Neil Gray, directeur des affaires gouvernementales de cette organisation, qui regroupe des gestionnaires de péages dans 24 pays.

Ce dernier ajoute toutefois que, loin d'être farfelue, l'idée évoquée par le maire Tremblay est de plus en plus envisagée, car plusieurs constatent les limites des taxes sur l'essence. «Les Américains se demandent pourquoi ils enverraient leur argent à Washington quand ils doivent se battre pour faire financer leurs projets routiers. Ils préfèrent les péages, qui offrent la garantie que l'argent reste dans la région.»