La cause de la chute de la poutre à l'entrée du tunnel Viger de l'autoroute Ville-Marie (A720) se précise de plus en plus: tout porte à croire que l'appui sur lequel elle reposait était trop étroit.

Le ministre des Transports du Québec, Sam Hamad, a confirmé hier qu'il s'agit là d'une cause probable de l'effondrement. Côté sud, cette poutre et les 19 autres semblables reposaient sur un appui large d'à peine une quarantaine de centimètres.

Or, le MTQ a passé un contrat avec une entreprise pour décaper et refaire le mur qui soutient ces poutres. Résultat: pendant les travaux, le décapage a aminci l'appui des poutres, alors réduit à une vingtaine de centimètres, selon un témoignage recueilli par La Presse et des photos prises par des observateurs.

Était-il sage d'amincir encore le mur qui soutenait les poutres? «C'est ce que les experts sont en train d'examiner, a répondu M. Hamad, lors d'un point de presse hier. Les experts vont nous donner leur opinion à ce niveau-là... C'est une des raisons qu'il faut regarder. Pourquoi la chute est-elle arrivée? Est-ce que l'épaisseur du mur était suffisante?»

Les autres poutres sont-elles solides? «On attend l'opinion des ingénieurs, a dit le ministre. Ils vont nous dire s'il y a un danger ou non. Et s'il y a un danger, évidemment, on ferme [le tunnel] et on fait les travaux nécessaires.»

Le rapport d'une inspection exhaustive, réalisée en 2008, avait prévenu le Ministère que le tunnel Viger présentait un risque. «On peut considérer l'état général [du tunnel] comme étant critique quant à l'aspect sécurité des usagers», indiquait le rapport, rédigé par la firme SNC-Lavalin.

M. Hamad a assuré que le Ministère s'était empressé de suivre toutes les recommandations de ce rapport. «Les huit recommandations sécuritaires ont été suivies depuis 2008, afin justement de rendre les infrastructures sécuritaires, a-t-il dit. On a investi 25,5 millions dans ces travaux et on en investira 12 autres millions en 2012.»

Mais tant le ministre que sa sous-ministre, Anne-Marie Leclerc, sont restés vagues sur les travaux précis qui ont été effectués. Une annexe du rapport d'inspection de 2008 contient cette note en bas de page: «Version 05-01-11», ce qui laisse croire que l'annexe était à jour le 5 janvier dernier.

Or, elle contient des remarques inquiétantes sur la structure qui soutient les paralumes du tunnel Viger en direction est, là même où est tombée la poutre. Des paralumes sont des écrans permettant aux automobilistes d'habituer leurs yeux à l'obscurité du tunnel. Dans ce secteur, ils sont soutenus par 20 poutres de 25 tonnes chacune.

L'annexe révèle un «manque d'appuis à l'extrémité sud de trois poutres transversales». Elle note «la présence de fissures de cisaillement dans du béton qui ne comporte pas d'étriers», ce qui laisse croire que des poutres n'étaient pas ancrées. «La capacité structurale des paralumes en béton doit faire l'objet d'une expertise par le MTQ», ajoute l'annexe.

La Presse a demandé au MTQ si l'appui des poutres avait été solidifié, mais n'a pas obtenu de réponse. En revanche, Mme Leclerc a indiqué que, après l'effondrement de la poutre, dimanche matin, le MTQ a décidé d'en enlever une autre et d'en «stabiliser» une troisième.

M. Hamad a laissé entendre que la chute de la poutre était liée aux travaux qui se déroulaient sur les murs du tunnel. «L'accident a eu lieu exactement à l'endroit où les travaux étaient réalisés, ce qui nous porte à croire que cet incident était relié aux travaux.»

L'opposition sceptique

Le député péquiste Nicolas Girard, porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports, se demande si le ministre n'essaie pas subtilement de faire porter la responsabilité de la chute sur l'entrepreneur, pour éviter de porter le blâme lui-même.

«Visiblement, le ministre ne veut assumer aucune responsabilité par rapport aux événements qui se sont produits, a-t-il dit. Nous n'achetons pas les explications du ministre selon lesquelles son ministère n'a rien à voir [dans l'incident]. Compte tenu de la fragilité de la structure, est-ce que les informations pertinentes ont été transmises à l'entrepreneur? Y a-t-il eu du laxisme dans la surveillance des travaux? Les poutres manquaient-elles déjà d'appuis?»

M. Hamad ne compte pas démissionner. Mais d'un même souffle, il a dit comprendre l'inquiétude des citoyens. «Plusieurs personnes sont inquiètes, a-t-il dit. Je me mets à la place des citoyens qui voient une poutre s'effondrer sur une autoroute et, à leur place, je serais aussi inquiet.»

«C'est un accident malheureux, a-t-il ajouté. Je ne suis pas fier de ce qui est arrivé. Il faut trouver des solutions. Si on a fait des erreurs, on va payer pour les conséquences.»

Le ministre a par ailleurs promis de rendre publics les rapports d'inspection sur d'autres ouvrages, comme le réclame l'opposition. «On va rendre publics les rapports au cas par cas, un par un», a-t-il dit. Il n'a pas exclu la publication des rapports d'inspection du pont Mercier et de l'échangeur Turcot, alors qu'il refusait de le faire jusqu'à maintenant.

Enfin, une porte-parole du Ministère a corrigé une information qu'elle avait transmise lundi : ce n'est pas le professeur Bruno Massicotte qui a été mandaté pour agir à titre d'expert indépendant, mais son collègue Jean-Philippe Charron, également de l'École polytechnique. M. Charron mènera l'enquête avec Marie-Josée Nollet, de l'École de technologie supérieure, en appui aux ingénieurs du Ministère.