Les 3 milliards $ que coûtera le nouvel échangeur Turcot n'iront pas seulement au béton et au bitume: Québec prévoit dépenser des dizaines de millions pour exproprier des terrains et des bâtiments.

Dans un document obtenu par La Presse Canadienne, le ministère des Transports du Québec évalue qu'il devra verser 112 millions $ aux propriétaires et aux locataires qui se trouvent sur le tracé du nouvel échangeur.

Et le gouvernement devra ressortir son chéquier pour acquitter les frais de démolition des constructions expropriées, une étape qui n'est pas incluse dans ce montant.

Des dépenses évitables, rétorque Mobilisation Turcot, qui fait la promotion d'un projet plus modeste, laissant une grande place au transport en commun. Aucune expropriation n'aurait découlé de ce plan, plaident-ils.

«On sait qu'il y a des alternatives qui ont été présentées, qui étaient réalisables, qui étaient viables, qui ne nécessitaient aucune expropriation», expose Valérie Simard, de la coalition d'organisations communautaires.

«Mobilisation Turcot est d'accord pour dire qu'il faut le refaire l'échangeur, mais depuis le début, ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire Turcot différemment, et le faire mieux que comment il avait été fait dans les années 1960.»

La vaste majorité de cette enveloppe de 112 millions $ est destinée aux propriétaires de terrains et de bâtiments industriels et commerciaux, a précisé cette semaine un porte-parole du ministère des Transports. Ceux-ci se partageront 75 pour cent du montant total, soit 84 millions $, prévoit Québec.

Les millions restant serviront à indemniser la compagnie ferroviaire CN, qui possède une station de triage dans la zone, ainsi que les propriétaires de bâtiments résidentiels. Les indemnisations versées à la centaine de locataires délocalisés devront aussi se tailler une place dans cette partie de l'enveloppe.

Le ministère refuse de dévoiler quel montant pourrait leur être consenti, arguant qu'il s'agit uniquement d'estimations.

Réal Grégoire, porte-parole de Transport Québec, refuse aussi d'indiquer à quelle étape du processus se trouve le gouvernement.

«Le projet suit son cours. C'est normal», se défend-il.

«Comme c'est beaucoup de négociations avec plusieurs propriétaires et locataires en même temps, ce qu'on sait, c'est que le projet suit son cours.»

Du même souffle, M. Grégoire souligne à gros trait le caractère approximatif de l'estimation de Québec.

«Il peut y avoir des imprévus, il peut y avoir toutes sortes de choses. On pense que ça va être environ 112 millions $, mais des fois, ca peut varier», explique-t-il en entrevue téléphonique.

Le principal bâtiment résidentiel à exproprier est le 780 rue Saint-Rémi, dans l'arrondissement sud-ouest.

L'ancien édifice industriel bâti en 1922 vaut presque 3 millions $ avec son terrain, selon le rôle d'évaluation de la Ville de Montréal.

Plus d'une centaine de personnes y habitent. Les premiers locataires ont obtenu de grandes pièces complètement vides avec des murs de béton. Ce sont eux qui les ont transformées en lofts contemporains.

Pour ces locataires «c'est une grande déception» de voir leurs logements promis à la destruction, relate Valérie Simard, qui est en contact avec la petite communauté.

«Ce sont des gens très investis dans leur immeuble, qui habitent là. Pour la plupart, ce sont eux qui ont rendu leur espace de vie habitable», affirme Mme Simard.

Mais le ministère refuse de dire s'il indemnisera les locataires pour les rénovations qui disparaîtront sous les boulets des démolisseurs. «On ne peut préjuger de la finalité du processus», explique prudemment Réal Grégoire, porte-parole du ministère.

«Si on ne peut pas éviter l'expropriation, il faut certainement qu'il y ait une juste compensation pour l'ensemble des ménages qui vont devoir être relocalisés», fait pour sa part valoir Valérie Simard.