«Ça fait deux ans et demi qu'ils travaillent sur le pont, et ils n'ont rien vu avant cette semaine? La seule chose à comprendre là-dedans, c'est qu'ils ont trop attendu», lance Normand Laporte, résidant de Châteauguay.

John, lui aussi de Châteauguay, tentait de rentrer chez lui, mardi soir, quand les policiers lui ont annoncé la fermeture du pont Mercier.

«Et partout où on circule, c'est comme ça. Le pont Mercier est fermé, Turcot, c'est l'enfer, il y a les travaux sur le pont Champlain...»

«Ce sont des *&?% d'imbéciles, tranche Daniel. Le problème n'est pas survenu en une nuit. Comment n'ont-ils pas pu voir venir le coup?»

«Si seulement je pouvais déménager à Laval!», s'exclame pour sa part Lise Monette. Des voies sont déjà retranchées depuis le mois de décembre, et c'est l'enfer depuis longtemps, note-t-elle. «Encore en fin de semaine, j'avais organisé une fête d'anniversaire. Mes invités ont appelé pour annuler en raison de la circulation. On en a eu, des restes!»

«Je travaille dans le domaine de la construction, je dois aller à Montréal tous les matins. On n'a pas le choix: pour pouvoir passer, on part à 5h30.»

Noémie Cohen, qui habite dans Côte-Saint-Luc et qui travaille dans une bijouterie à Châteauguay, a mis trois heures, hier matin, pour se rendre au boulot. «Je vais parler au patron pour tenter d'être mutée dans une succursale dans l'île de Montréal.»

D'importants détours

Tous ne peuvent pas trouver un autre emploi, obtenir une mutation ou faire du télétravail. L'assistant pro au club de golf Lafleur, à Kahnawake - qui habite à Beaconsfield -, ne peut que prendre son mal en patience. «J'ai su cela en montant dans mon auto, ce matin (hier). J'ai pris le pont Champlain et j'ai mis une heure et demie pour arriver au travail. Je vais essayer de voir si ça ne serait pas plus rapide par Valleyfield. Ça fait des mois, de toute façon, que je ne me sens pas du tout en sécurité sur le pont Mercier, qui était déjà interdit aux camions.»

La plupart de ceux qui empruntent régulièrement le pont Mercier disent avoir peur. «J'espère toujours en sortir avant qu'il ne tombe», dit René Laberge.

Ariane Ménard n'est pas plus rassurée, et elle l'est d'autant moins qu'elle devra maintenant prendre le pont Champlain. «N'est-ce pas ce pont-là qui est supposé être en très mauvais état?»

Et encore faut-il qu'elle apprenne à s'y rendre, à ce pont Champlain. Jeune conductrice, Ariane ne l'a jamais emprunté. «Je vais m'en remettre à mon GPS.»

Et son GPS risque bien d'en perdre son latin parce que, hier, sur la Rive-Sud, c'était une vraie course d'obstacles: des policiers et des panneaux indicateurs déviaient la circulation un peu partout, vers un peu partout...

Des conséquences économiques

La fermeture du pont Mercier a déjà des conséquences économiques: «Le stationnement du club de golf est à peu près vide, alors qu'il était plein dans les derniers jours», fait observer l'assistant pro du club de golf de Kahnawake.

Même constat pour Brendon, qui travaille à une station de service mohawk, le long de la route 132: «Normalement, en une matinée, j'ai facilement une trentaine de clients. En ce premier jour de fermeture, je n'en ai eu que trois.»

La suggestion la plus fréquente, hier, de la part des usagers du pont Mercier? Qu'on en finisse une fois pour toutes et qu'on le fasse exploser.

Un Mohawk de Kahnawake, qui sirotait tranquillement son petit cocktail, en avait une autre, non moins radicale: rester chez soi. «Ça fait 25 ans que je ne mets plus les pieds à Montréal, et je m'en porte très bien.»