Le dossier du Faubourg Saint-Laurent, au coeur du Quartier des spectacles, a été «ponctué d'irrégularités». L'entretien des ponts et tunnels de Montréal ne reçoit que le tiers de l'argent promis, soit 16 des 45 millions nécessaires.



Enfin, l'espionnage dont le bureau du vérificateur général a été l'objet l'hiver dernier «a eu et continue d'avoir de graves conséquences sur l'ensemble de l'administration de la Ville», a dénoncé le vérificateur général Jacques Bergeron dans son rapport 2010 déposé lundi au conseil municipal.

Pour la première fois en deux ans, M. Bergeron ne saisit pas les policiers des irrégularités qu'il soulève. Cette absence de «bombes», l'opposition l'a expliquée par la controverse dans laquelle le bureau du vérificateur a été plongé depuis janvier dernier. «Le travail de sape de l'administration Tremblay pour détourner le vérificateur général de ses responsabilités a manifestement porté ses fruits», a laissé tomber Pierre Lampron, porte-parole de Vision Montréal en matière de finances.

Le vérificateur consacre d'ailleurs les 23 premières pages de son rapport (qui en fait plus de 400) à la description de cet épisode «unique», l'interception de milliers de ses courriels par la Ville, en 2010. «Par ses agissements, le Service du contrôleur général a vidé de tout son sens la protection conférée (au vérificateur général) par la Loi des cités et villes», écrit le vérificateur général.

M. Bergeron estime que son personnel a gaspillé 900 heures et qu'il a fallu débourser 280 000$ en honoraires externes pour se défendre de cette intrusion. C'est à cause de cette controverse, laisse-t-il entendre, que deux «missions» de vérification - il ne précise pas lesquelles - n'ont pu être menées à bien et auront droit à un addenda en juin. Il s'agirait des enquêtes sur le service BIXI et sur la Société de transport de Montréal.

Pas assez d'investissements

Dans un registre plus classique, le vérificateur général s'est penché sur les budgets d'inspection et de réfection des ponts et tunnels de la Ville. «Les objectifs fixés quant à l'inspection des infrastructures n'ont pas été respectés en 2010 et risquent de ne pas l'être en 2011, faute d'effectifs suffisants», estime-t-il. Alors que la Ville établissait qu'il lui faudrait annuellement investir 45 millions pendant 10 ans pour maintenir son parc en état, à peine 16 millions ont été dépensés en 2010.

«Il y a beaucoup de retard à rattraper dans toutes les infrastructures et, chaque année, on le rattrape un peu plus, a assuré en point de presse le directeur général de la Ville, Louis Roquet. Mais il est possible qu'une année, on investisse moins que l'année précédente.»

Le vérificateur général a soulevé «des questions inquiétantes», estime quant à lui le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. «Une cinquantaine de structures âgées, avec des risques d'effondrement, auraient dû être inspectées mais ne l'ont pas été. Le vérificateur souligne qu'on n'a même pas les moyens d'assurer l'inspection, de faire le suivi.»

Allocations au kilomètre

Le dossier du Faubourg Saint-Laurent, au coeur du Quartier des spectacles, est également montré du doigt comme étant «ponctué d'irrégularités et pour lequel toute la diligence requise n'a pas été exercée au cours des années». Essentiellement, le vérificateur reproche à l'administration de l'arrondissement de ne pas avoir évalué avec rigueur les coûts de ce projet.

Le vérificateur estime par ailleurs que la Ville perd jusqu'à 2,1 millions par année avec sa politique de remboursement des dépenses pour utilisation d'une voiture personnelle. On y apprend qu'en 2010, 1453 employés de la Ville ont eu une allocation pour utilisation de leur voiture personnelle. Ils ont parcouru 2,4 millions de kilomètres et ont reçu des allocations de 3,6 millions de dollars.

Il constate que 10,3% des détenteurs d'une allocation n'ont déclaré aucun kilométrage en 2010, et que les trois quarts des fonctionnaires ont parcouru moins de 1920 km dans l'année, soit moins que leur allocation de base. En conséquence, le vérificateur recommande l'abolition de cette formule. «Il aurait été plus économique d'opter pour une compensation selon des taux au kilomètre uniquement», juge-t-il.

James Bond à l'oeuvre

Des employés du vérificateur ont également tenté de s'introduire par «escroquerie» (c'est le terme utilisé dans le rapport) dans différents édifices municipaux. Il s'agissait généralement de leurrer les gardiens de sécurité en se faisant passer pour des fonctionnaires de la Ville. Le stratagème a fonctionné dans 23 des 31 édifices ciblés, pour un taux de succès inquiétant de 74%.

Le vérificateur général prend soin de préciser qu'aucun document n'a été pris ou consulté illégalement au cours de ces missions.

Le président du comité exécutif de la Ville, Michael Applebaum, a assuré qu'on allait mettre en oeuvre «toutes les recommandations du vérificateur, comme nous en avons l'habitude». Il s'est félicité du fait que le rapport, cette année, évalue que 71% des recommandations de 2009 avaient été suivies ou étaient en voie de l'être. Depuis 2005, 74% des recommandations ont été suivies, et 14% sont en cours de l'être - «de très bons résultats», reconnaît le vérificateur.