Fausses factures, employés fictifs, surfacturation: voilà les ingrédients qui ont permis à des firmes informatiques de frauder la Ville de Montréal de plusieurs millions de dollars, selon deux requêtes rendues publiques hier, en Cour supérieure.

Les poursuites déposées par la Ville font allusion à cette présumée fraude perpétrée entre 2005 et 2008 à la Direction des services informatiques (DSI) de la Ville. Deux employés travaillant pour la DSI, rappelons-le, ont été accusés au criminel de fraude et de complot, à l'automne 2009. Il s'agit du chef de la division, Gilles Parent, et du consultant, Benoît Bissonnette.

Dans l'une des requêtes, on apprend que quatre firmes auraient participé au stratagème de détournement de fonds. Deux des firmes qui auraient été impliquées indirectement ont réglé à l'amiable leur différend avec la Ville, soit la Société-conseil Lambda et Solutions Victrix.

La Ville poursuit les deux autres entreprises ou leurs ex-dirigeants pour une somme avoisinant les 7,3 millions de dollars. Les deux entreprises poursuivies sont OS4 Techno et VRSI, à qui la Ville réclame respectivement 4,1 millions et 3,2 millions. Les ex-dirigeants de VRSI, Michel Pelletier et Michel Allaire, sont tenus personnellement responsables des sommes réclamées à VRSI.

Stratagèmes

Les requêtes donnent des détails intéressants sur le présumé stratagème utilisé par les deux employés de la Ville et les firmes externes pour soutirer indûment des fonds à la Ville. Essentiellement, il est question de préfacturation et de surfacturation.

«Le système de préfacturation consistait en l'émission de fausses factures transmises à Parent ou à Bissonnette pour approbation et qui étaient subséquemment payées par la Ville alors que les services n'avaient pas été rendus», est-il expliqué dans la poursuite contre OS4.

L'autre stratagème qui aurait été utilisé principalement par OS4 consistait à surfacturer la Ville, soit en gonflant «le nombre d'heures facturées par rapport au nombre d'heures réellement travaillées», soit en facturant des taux horaires plus élevés que ceux prévus au contrat.

Dans ce stratagème, OS4 aurait habilement reversé des fonds à Gilles Parent et à Benoit Bissonnette en payant des factures faussement produites par des entités que les deux informaticiens contrôlaient. La principale entité est la société à numéro 9177-3341 Québec, baptisée Forte.

Selon l'une des requêtes, OS4 a ainsi versé 4,7 millions à ces entités contrôlées par Parent et Bissonnette. OS4 aurait obtenu une forme de commission de 562 398$ pour ce faire, comprend-on de la requête contre OS4.

«Aveuglement volontaire»

La deuxième poursuite de la Ville vise Michel Pelletier et Michel Allaire, deux ex-cadres de VRSI. Michel Pelletier était l'actionnaire majoritaire de VRSI jusqu'en octobre 2008, soit jusqu'au moment où le chef de la DSI de la Ville, Gilles Parent, est demeuré en poste

Selon la Ville, Pelletier et Allaire ont fait preuve d'une «complaisance fautive, d'un aveuglement volontaire, de négligence fautive ou d'un silence complice fautif» en produisant de fausses factures ou des chèques, notamment pour le compte de la société Forte.

Précisons que l'entreprise VRSI a intenté une poursuite de 1,1 million contre la Ville en mai 2010 pour honoraires impayés. Dans sa défense, produite en févier 2011, la Ville a répliqué par une contre-réclamation de 3,2 millions contre VRSI. La poursuite rendue publique hier fait essentiellement état de cette contre-réclamation.

Nous avons tenté de joindre Michel Pelletier, mais la réceptionniste de VRSI nous a dit qu'il n'était pas joignable, qu'il était en vacances à l'étranger. Par contre, le vice-président de VRSI, Ian Arnold, nous a plutôt dit que Michel Pelletier ne travaillait plus pour l'entreprise, comme Michel Allaire. Ian Arnold n'a pas rappelé pour faire des commentaires sur cette affaire, pas plus que les dirigeants d'OS4, nommément Michel Caron et Danny Redmond.