Le prolongement de la vie utile du pont Champlain serait tellement coûteux et aurait des impacts si importants sur les conditions de circulation qu'il est virtuellement impossible de l'envisager, même si cela reste «théoriquement faisable».

Selon les spécialistes de la firme de génie Delcan, qui ont soumis en décembre dernier deux rapports alarmants à la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain, «le coût pour maintenir le pont en service pour une période 15 ans - ce qui est une échéance relativement courte -, pour ensuite le remplacer par un nouveau pont, serait virtuellement le même que pour maintenir le pont actuel en service durant 50 ans».

«Il s'agit là d'un constat inhabituel qui suggère que le pont Champlain est dans une condition beaucoup plus mauvaise que ne l'est d'ordinaire un pont de cet âge et de cette importance, ajoutent les spécialistes. Cela suggère aussi que les coûts pour maintenir ce pont en service seront très importants, et ce, même si les risques associés au prolongement de sa vie utile ne peuvent être entièrement éliminés.»

La firme Delcan en conclut que le pont a «de nombreuses déficiences, dont certaines sont très importantes, et que son maintien en service représente des risques qui ne peuvent être quantifiés, même en tenant compte du programme méthodique d'entretien, de réparation et d'inspection en cours».

En conséquence, les experts concluent que le pont devrait être remplacé de façon accélérée. Ils soulignent qu'il a fallu sept ans pour le construire et que les délais de construction sont aujourd'hui plus longs. Ils suggèrent ainsi «de trouver des moyens» pour réaliser les études de design et d'avant-projet en même temps que les études environnementales, pour gagner du temps. Normalement, les études environnementales précèdent toutes les autres étapes de réalisation.

Impact majeur sur la circulation

«Il apparaît qu'un programme de réhabilitation du pont pour prolonger sa vie utile pourrait être envisagé sur le plan théorique, précise l'un des rapports. Mais certaines considérations pratiques rendent ce scénario très difficile, sinon impossible, lorsque combinées aux considérations pour le maintien de la circulation, auxquelles s'ajoute la capacité déficiente du pont à résister à un événement sismique».

Les consultants notent qu'un programme de réhabilitation s'étendrait sur plusieurs années et aurait des impacts majeurs sur la circulation. Notamment, le maintien de la voie à contresens réservée aux autobus aux heures de pointe rendrait impossible ou difficile de faire circuler les camions sur les voies de gauche, au centre du pont. Or, sur le plan de la gestion du risque, cela serait préférable parce que les poutres de rives situées sous les voies de droite sont celles qui ont les déficiences les plus inquiétantes.

Fait intéressant, soulignent les consultants, le cas du pont Champlain n'est pas unique. La firme Delcan note qu'un pont aux caractéristiques similaires, en Belgique, avait des déficiences d'une étendue et d'une nature semblables. On a envisagé de prolonger sa vie utile, et plusieurs méthodes de réhabilitation de la superstructure ont été étudiées.

«La conclusion fut qu'il était impossible de mener à bien une telle réhabilitation d'une façon pratique, et que la superstructure des travées aurait dû être complètement remplacée pour prolonger la vie utile de ce pont. Nous croyons que ce serait aussi le cas du pont Champlain, en ce qui concerne les sections 5 et 7. Pour en prolonger la vie utile de 50 ans, il faudrait probablement remplacer toute la superstructure de ces deux sections», ce qui impliquerait la fermeture permanente et prolongée de plusieurs voies.