L'administration Tremblay a donné le mandat à son contrôleur, Pierre Reid, d'enquêter non seulement sur n'importe quel employé de la Ville, mais aussi sur les conseillers municipaux, selon une décision récente de la Commission des relations du travail.

Le commissaire Benoît Monette devait établir si le Syndicat des professionnels municipaux de Montréal pouvait intégrer dans ses rangs le conseiller en sécurité informatique Michel Nantel.

Au cours des audiences, l'employeur -la Ville de Montréal- a fait valoir que M. Nantel (désigné par les initiales MN dans la décision) n'est pas un simple salarié. Le commissaire Benoît Monette a conclu que MN exécute des tâches de gérance et de représentant de l'employeur et ne peut donc pas se joindre au syndicat.

«En plus de ses tâches administratives, Monsieur MN exerce une fonction d'enquêteur, indique la décision du commissaire. Il relève alors d'un autre supérieur, monsieur Pierre Reid, contrôleur général.

«À ce titre, Monsieur MN est susceptible de faire des enquêtes sur tous les individus qui sont en contact avec la Ville, que ce soit des employés, cols blancs ou bleus, et même des élus (des conseillers municipaux).»

M. Nantel a accès aux relevés des 800 téléphones mobiles intelligents (BlackBerry) qui sont utilisés à la Ville de Montréal, précise le commissaire. «Monsieur MN doit collaborer avec les organismes d'enquêtes extérieurs à la Ville, principalement la ligne éthique (...) L'un des mandats de Monsieur MN consiste à enquêter sur les individus qui sont en contact avec la Ville, ainsi que ses employés, cols blancs et même des élus», insiste le commissaire.

Le mois dernier, La Presse a révélé que le contrôleur Pierre Reid avait fait espionner les courriels du vérificateur de la Ville, Jacques Bergeron, pendant 10 mois, de mars 2010 à janvier 2011.

Inquiétudes

L'affaire a fait surface au conseil municipal. Inquiets, les conseillers de l'opposition ont demandé au maire Tremblay s'ils pouvaient être eux aussi l'objet des enquêtes de M. Reid. Le maire n'a pas donné de réponse claire.

Le 24 janvier -soit deux jours après la décision de la Commission des relations du travail-, le président des conseillers du parti du maire, Bernard Blanchet, a tenté de rassurer les élus.

«Pour votre information, voici l'avis du contentieux en ce qui concerne la vérification des courriels, a écrit M. Blanchet dans un courriel. Les politiques de la Ville relatives à l'utilisation des équipements de travail (systèmes informatiques, boîtes courriels, internet, téléphones intelligents) précisent que ceux-ci ne peuvent être utilisés qu'aux fins du travail et qu'en conséquence, il n'existe aucune expectative de confidentialité.

«En ce sens, l'employeur se réserve le droit de prendre connaissance des contenus en tout temps. Ce sont d'ailleurs ces politiques qui permettent au contrôleur général (Pierre Reid) de procéder à des vérifications sur l'utilisation de ces équipements de travail.»

M. Blanchet souligne son dernier paragraphe: «Toutefois, les élus n'étant pas des employés de la Ville, ces vérifications ne peuvent être faites à leur égard.»

Selon les services juridiques de la Ville, les élus sont en fait les «patrons» des employés... Et, bien entendu, un employé ne peut pas se mettre à enquêter sur son patron en espionnant ses courriels.