Une conjonction «inhabituelle» de phénomènes climatiques, selon la Ville, a transformé hier les trottoirs montréalais en dangereux hybrides piscine-patinoire.

Au moins cinq piétons ont été hospitalisés à l'Hôtel-Dieu, victimes de la glace qui n'avait pas encore fondu en début de matinée. Les diagnostics sont «variés», de la contusion à la fracture, explique la porte-parole du CHUM, Nathalie Forgue. Elle s'attend à ce que le bilan définitif soit bien plus lourd.

La situation est si inattendue que l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal a failli déroger à sa célèbre politique et enlever la neige ce week-end. On s'attend à des températures de -12° dans la nuit de dimanche à lundi, qui vont transformer la gadoue en glace. «On y a vraiment réfléchi d'une façon non-dogmatique et par trois fois, on s'est dit: «On y va, on charge la neige», explique le maire, Luc Ferrandez. Mais après inspection visuelle, on a décidé de privilégier le déblaiement des trottoirs. J'avoue qu'il y a un petit risque. Est-ce qu'on a la bonne stratégie? Je l'espère.»

Le maire rappelle que, sur 40% du territoire de son arrondissement, le chargement de la neige est effectué par des entrepreneurs privés, qui travailleront en fin de semaine. Il précise également une règle «que peu de gens semblent avoir comprise à Montréal»: le chargement de la neige se fait au détriment du déblaiement des trottoirs. «Les deux ne peuvent se faire en même temps. Dès demain (aujourd'hui), nous aurons neuf chenillettes à l'oeuvre, jour et nuit.»

En matinée, hier, avant que le mercure ne remonte au-dessus du point de congélation, de nombreux piétons ont dû composer avec des trottoirs casse-cou au centre-ville. Dans bien des secteurs, on n'avait pas encore déblayé le passage avec des chenillettes. Un peu partout sur l'internet, les Montréalais se sont littéralement déchaînés contre les autorités municipales. «Eh, la Ville de Montréal, on ne déneige plus? écrit notamment un Montréalais sur Twitter. Vous attendez que les caves soient inondées pour pousser la neige et dégager les puisards?»

Travailler sur tous les fronts

À la Ville, on se défend bien d'avoir sous-estimé le danger que représente ce cocktail de neige et d'eau. «Il y a des équipes qui sillonnent les rues, elles ont des fondants, des abrasifs, elles dégagent les puisards et les abords des hôpitaux, mais elles ne peuvent être partout», résume Philippe Sabourin, de la Ville de Montréal. Essentiellement, trois phénomènes en 24heures sont venus compliquer la vie des Montréalais: une chute de 15 cm de neige à partir de mercredi soir, suivi de pluie et d'un redoux. Le mélange, communément appelé «sloche», a bouché les puisards et causé des accumulations d'eau un peu partout en ville. La neige, tassée sous ces flaques, est parfois devenue glace.

«C'était particulier, dit M. Sabourin. Et ça continue de fondre, même si la situation semble s'être améliorée (hier) matin. Nous travaillons sur tous les fronts: il y a de la neige à enlever, il y a des accumulations d'eau et nous déblayons les puisards.» En milieu de journée, hier, on estimait que 80% de la neige avait été évacuée. La cadence a été ralentie afin de permettre aux quelque 3000 employés mobilisés de se reposer.

Le seul combat que les arrondissements ne livrent pas en ce moment, c'est celui des nids-de-poule, qui prolifèrent avec le dégel. Impossible de les réparer tant que la chaussée n'est pas sèche. On prévoit de la pluie intermittente jusqu'en fin de journée demain. Le mercure redescendra ensuite sous le point de congélation.