Le commissaire au lobbyisme du Québec n'est pas impressionné par les efforts de Montréal pour renforcer l'éthique et la transparence. Dans une lettre sans équivoque envoyée au maire de Montréal, il les qualifie même de «décevants» et «d'insuffisants».

Le commissaire François Casgrain a écrit à Gérald Tremblay, hier, alors que Montréal s'apprête à adopter une «politique de gestion contractuelle». Celle-ci vise à mieux encadrer l'attribution des contrats dans l'appareil municipal et notamment à baliser le lobbyisme.

Ayant pris connaissance de la politique, le commissaire se dit préoccupé par son manque de mordant. «Il serait désolant que la plus importante municipalité du Québec soit celle qui adopte les mesures les moins contraignantes» en matière de lobbyisme, écrit-il au maire.

La politique de gestion contractuelle que propose l'administration Tremblay vise, par exemple, à limiter les communications d'influence entre l'appel d'offres et l'octroi d'un contrat. Elle forcerait ainsi les soumissionnaires à signer une déclaration selon laquelle ils n'ont pas tenté d'influencer un employé municipal dans cette période.

Me Casgrain, qui a pour mandat de surveiller les activités de lobbyisme au Québec, juge toutefois que les communications d'influence ont souvent lieu bien avant l'appel d'offres. La politique de la Ville devrait, selon lui, «couvrir tout le processus contractuel, à partir de la gestation d'un projet jusqu'à l'octroi d'un contrat».

Il croit aussi que Montréal fait trop peu d'efforts pour identifier les lobbyistes. Les élus et les fonctionnaires «doivent s'assurer que les personnes qui tentent de les influencer sont inscrites au registre des lobbyistes». D'ailleurs, note-t-il, on compte près de 1800 inscriptions au registre des lobbyistes de Toronto. Pour Montréal, le registre n'en compte que 36.

»Le téléphone, ça existe»

D'après la loi 76 adoptée à Québec en mars dernier, chaque municipalité québécoise est tenue d'adopter une politique de gestion contractuelle avant le 1er janvier 2011.

La politique a déjà été adoptée par le comité exécutif de la Ville de Montréal. Elle sera débattue aujourd'hui au conseil municipal. Déjà, le parti de l'opposition Projet Montréal a fait savoir son intention de soumettre des amendements afin d'intégrer les commentaires du commissaire.

«C'est la deuxième fois en deux semaines que le maire Tremblay est blâmé sur une question de gouvernance, a dit hier le conseiller du Mile-End pour Projet Montréal, Alex Norris. La semaine dernière, c'était le vérificateur général qui critiquait la décision de lui retirer la ligne éthique. Là, c'est le commissaire au lobbyisme.»

Gérald Tremblay, lui, n'a pas paru ému par la lettre du commissaire. Il a indiqué que la majorité allait voter en faveur de la politique dans sa livrée actuelle. «Cette lettre arrive un peu tard. Nous sommes pressés par la date limite du 31 décembre. Alors nous allons adopter cette politique. Rien ne nous empêche de revenir plus tard, à tête reposée, et de bonifier en début d'année cette politique d'attribution de contrats», a-t-il lancé hier à la réunion du conseil municipal.

Le maire en a profité pour faire remarquer au commissaire: «Quand on est réellement sérieux, un téléphone, ça existe.»