Les arrondissements de Montréal pourraient gérer entièrement les parcomètres sur leur territoire, une manne de plus de 50 millions, et toucher des revenus du remorquage lors des opérations de déneigement à compter de janvier prochain.

Ce transfert de responsabilités est annoncé dans une lettre envoyée à toutes les directions d'arrondissement le 30 septembre dernier, et que La Presse a obtenue. Rien n'indique toutefois que les coffres des arrondissements vont se regarnir d'autant: ces nouveaux revenus seraient simplement déduits de la dotation qu'ils reçoivent de l'administration centrale. Les analyses vont bon train dans les arrondissements interrogés hier pour comprendre les implications budgétaires de cette décision.

Du côté de l'opposition, on a par contre vertement dénoncé ce nouveau projet de décentralisation. «Ça signifie que la courtepointe va encore s'agrandir à la Ville», a résumé Louise Harel, chef de Vision Montréal. «Ça va encore augmenter la cacophonie montréalaise», estime sa collègue Anie Samson, mairesse de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension.

Signée par le directeur principal et trésorier Robert Lamontagne, la lettre du 30 septembre annonce que la Ville a décidé de «remettre aux arrondissements l'ensemble des revenus liés aux frais de remorquage facturés sur leur territoire lors des activités de déneigement à compter de 2011».

Les arrondissements auraient des cibles de revenus à atteindre à ce chapitre, basées sur les amendes perçues en 2009. Leur dotation serait diminuée d'autant.

Plus loin, on apprend que l'administration Tremblay compte donner aux neuf arrondissements de l'ex-ville les revenus et le pouvoir de fixer les tarifs de tous les parcomètres à compter du 1er janvier prochain. «L'Administration désire rendre plus uniforme les pratiques en cours», explique-t-on. Contrairement aux ex-banlieues, ces neuf arrondissements n'avaient jusqu'à maintenant aucun droit de regard sur les parcomètres situés sur les grandes artères, qui relèvent de la ville centre.

Un simple «scénario»

En 2009, les revenus des parcomètres sur rue ont rapporté 50,8 millions à Stationnement de Montréal, qui en a reversé 42,5 millions à la Ville. Celle-ci en a redonné une partie aux arrondissements à l'intérieur de ce qu'on appelle leur «montant d'équilibre», qui correspond grosso modo à leur dotation.

À la Ville, on confirme que la lettre du 30 septembre a bel et bien été envoyée, mais que «c'est loin d'être une décision», dit Darren Becker, porte-parole du comité exécutif. «Il n'y a pas eu de décision prise par le comité exécutif. C'est une orientation, ça fait partie de plusieurs scénarios.»

Faux, rétorque Louise Harel, qui rappelle que la lettre commence par la phrase: «Nous désirons vous informer des décisions prises...» «Les directions d'arrondissement l'ont reçue comme une décision, et elles doivent présenter leur budget à partir du 20 octobre», précise-t-elle.

Concrètement, les Montréalais vont se retrouver avec des tarifs de parcomètres qui vont changer d'une intersection à une autre, sur la même artère, illustre-t-elle. Leur amende de remorquage variera, de même, selon l'arrondissement où leur voiture aura été saisie.

«Ça va être chacun pour soi. Derrière tout ça, c'est évidemment l'idée d'une courtepointe où chacun fait ce qu'il veut. C'est sûr que c'est un pas de plus vers des arrondissements de type «ex-ville de banlieue».»

La chef de l'opposition ne pouvait cependant se prononcer sur l'impact de cette décentralisation sur les budgets des arrondissements. «Les directions ont reçu la lettre cette semaine, elles doivent l'étudier.» À l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, on estime d'emblée que cette «uniformisation» aura peu d'impact. «Ce qu'on gagne en revenus locaux, on le perd en dotation, résume le porte-parole Michel Tanguay. Rien ne se perd, rien ne se crée.»

Pour la mairesse de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, Anie Samson, il s'agit d'une façon détournée de faire porter aux arrondissements les hausses tarifaires. «C'est une taxe déguisée, on taxe encore le même citoyen, c'est totalement inadmissible. Si on veut gérer comme une grande ville, il faut le faire avec une vision d'ensemble.»