Au Club Lambi, on broie du noir. Après la lutte contre l'affichage sauvage, la salle de concert du boulevard Saint-Laurent doit faire maintenant face à l'entrée en vigueur des nouvelles amendes pour le bruit. «On voudrait tuer la scène artistique émergente montréalaise qu'on ne s'y prendrait pas autrement», se désole l'un des propriétaires, Yves Romane Charles.

Le nouveau règlement contre le bruit a été adopté au milieu de l'été. La police du quartier (le PDQ 38), avec son projet NOISE*, veillera à son application. L'augmentation des amendes pour les bars, restaurants et commerces fautifs est la mesure la plus sévère.

Depuis la semaine dernière, un établissement qui laisse entendre de la musique hors de ses murs s'expose à des amendes allant de 1000 à 12 000$: c'est 10 fois plus que le tarif qui s'appliquait jusque-là aux personnes morales comme aux particuliers. «Ça va tuer pas mal de bars», craint M. Charles.

Quatre bars ont déjà fait les frais de ce nouveau règlement, qui n'est qu'un pas de plus dans la chasse au bruit entamée à Montréal il y a déjà quelques années.

La chasse au bruit

La question de la cohabitation entre citoyens et bars avait déjà été soulevée après la fermeture du Green Room, boulevard Saint-Laurent. Le zèle policier continue, selon les organisateurs du festival Pop Montréal, qui se sont vu remettre une contravention de 528$ jeudi dernier, durant la braderie de la Main.

Motif: le chanteur d'un spectacle organisé au parc des Amériques utilisait un micro, contrairement à ce que prévoyait le permis. «C'est un peu fou: on fait des shows pour la communauté, pas pour enfreindre les lois», dit, dépitée, la productrice de Pop Montréal, Hilary Leftick. Elle s'étonne que rien ne précise le nombre de décibels à ne pas dépasser. «C'est très subjectif: ce serait bien qu'il y ait un nombre de décibels pour qu'on puisse s'ajuster», croit-elle.

Pour le commandant Stéphane Bélanger, responsable du projet NOISE, pas besoin de sonomètre pour savoir s'il y a infraction. «Si la musique est raisonnable et que la porte est fermée, il n'y aura pas de problème», assure-t-il. Pour s'en assurer, la police du quartier vient aussi d'augmenter les effectifs de ses patrouilles antibruit.

Pas que les bars

L'arrondissement espère ainsi répondre aux plaintes de plus en plus fréquentes des citoyens. La police a reçu 3000 plaintes contre le bruit, toutes origines confondues, depuis cinq mois.

«On veut éviter que les rues se vident de leurs habitants», explique Luc Ferrandez, maire de l'arrondissement. La complexité et le charme du Plateau tiennent à sa mixité, dit-il, et les propriétaires de bars et de restaurants ne devraient pas «cannibaliser les caractéristiques d'un quartier qui les attire initialement» en poussant ses résidants à le fuir, comme ce fut le cas rue Crescent.

Le reproche peut aussi être adressé aux nouveaux habitants d'un Plateau embourgeoisé, admet M. Ferrandez. «On a plein d'exemples de gens qui s'installent et qui veulent changer le voisinage. Si vous êtes sur une artère, c'est sûr que vous n'allez pas voir des chevreuils», estime le maire.

Au Divan orange, l'un des lieux cités dans un récent papier du New York Times consacré à Montréal, cette politique suscite l'inquiétude.

«On ne jette pas la pierre à la police, mais on dirait qu'on est sur la corde raide, on ne sait plus sur quel pied danser», regrette le programmateur du bar, Lionel Furonet.

* Le projet NOISE a été baptisé ainsi parce que le nom de chaque projet d'un poste de quartier Nord doit débuter par la lettre «N». En anglais, noise signifie «bruit».