Le bar montréalais Muzique s'est retrouvé au coeur d'une controverse après avoir affiché sur sa page Facebook la mention «No fat girls allowed» («interdit aux grosses») en accompagnement d'une publicité pour l'une de ses soirées.

«On fait parfois des blagues sur nos soirées, et celle-là était mauvaise», reconnaît Jon Jay, responsable du marketing pour le bar montréalais. Affichée par un ami, la mention a été retirée après des plaintes des amis Facebook de Muzique, notamment au quotidien The Gazette, qui a rapporté l'affaire hier.

«On aime avoir une clientèle bien habillée. Notre politique est assez stricte là-dessus, mais on n'interdirait jamais l'entrée à une fille qui a un excès de poids. Plus il y a de filles dans un bar, mieux c'est», poursuit Jon Jay, qui dit comprendre que le commentaire ait pu blesser certaines personnes.

Blague grossière ou franchise maladroite? Dans le milieu, certains n'hésitent pas à croire que le bar n'a fait qu'énoncer tout haut une pratique courante. «Cela arrive régulièrement. On ne vous dira jamais directement que le problème, c'est votre poids; on vous dira plutôt que vous n'êtes pas assez bien habillé», dit Stephen Selao, responsable du marketing à Big Moe Productions.

Imposer une liste d'invités, un code vestimentaire ou un âge minimum sont autant de façons de filtrer la clientèle. «Avoir beaucoup de filles attirantes, cela vous place, comme boîte, dans le haut de gamme. C'est vraiment une question de réputation, c'est tout, poursuit M.Selao. Il faudrait que ça change, car c'est injuste, mais je ne crois pas que cela va arriver, car le portier pourra toujours donner des excuses merdiques pour ne pas laisser entrer des gens.»

Le problème, dans les boîtes de nuit comme dans d'autres sphères de la société, est justement qu'on associe beauté et minceur, croit Émilie Dansereau-Trahan, agente de recherche à l'Association pour la santé publique du Québec. «Dans les critères actuels, pour être belle, il faut être mince. Ces préjugés se retrouvent même chez les professionnels de la santé», déplore-t-elle.

De plus, les femmes rondes sont souvent victimes de blagues. «C'est un des derniers préjugés qui sont socialement acceptables», dit-elle. Un petit tour sur la Toile permet de constater que les blagues sur les fat girls ou fat chicks sont encore légion, notamment sur Facebook, où plusieurs groupes sur le thème existent, avec un succès variable.

Le promoteur montréalais Jameson Pierre s'étonnait hier de l'émoi qu'a pu susciter cette mention malheureuse de Muzique. «La société a tendance à dramatiser bien des choses», a expliqué à La Presse celui qui se décrit comme «noir et gros».

La couleur de la peau reste le facteur le plus discriminatoire à l'entrée des boîtes, croit-il. «Une femme grosse a plus de chances d'entrer dans un bar qu'un homme noir, vous savez.» La Commission des droits de la personne s'était d'ailleurs penchée sur la question dans son document de consultation sur le profilage racial, rendu public en mars.

Face aux discriminations, le moyen le plus sûr d'entrer dans un bar reste l'argent. «Si vous êtes discriminé, vous pouvez toujours dire combien vous voulez dépenser dans le bar. Que vous soyez gros, noir ou latino ne compte pas: tout ce que veulent les bars, c'est faire de l'argent. Avoir de l'argent est un plus», conclut M.Selao.