Pour la première fois en 10 ans, le port de Montréal est paralysé par un conflit de travail.

Quelque 900 débardeurs du port de Montréal ont été mis en lock-out dimanche soir. En conséquence, toutes les activités maritimes ont été suspendues ; aucun conteneur n'entre ou ne sort du port.

L'employeur - l'Association des employeurs maritimes (AEM) - soutient qu'il n'avait «pas le choix» de décréter un lock-out. L'AEM représente notamment des exploitants de navires et des entreprises privées qui louent des espaces au port de Montréal.

«La situation était rendue intenable, a déclaré lundi le porte-parole de l'AEM, Gilles Corriveau. Le lock-out était la seule solution pour forcer les parties à s'asseoir.»

Sécurité d'emploi

Les membres du Syndicat des débardeurs, affilié au Syndicat canadien de la fonction publique, sont sans contrat de travail depuis un an et demi. Selon les deux parties, le principal point en litige est la sécurité d'emploi et de revenu.

L'employeur affirme que, pour rester compétitif, il ne peut plus se permettre de payer les débardeurs lorsque ceux-ci ne travaillent pas. Une clause de leur convention collective leur garantit en effet d'être rémunérés un minimum de 40 heures par semaine, peu importe les besoins de l'employeur. L'AEM affirme que l'an dernier, cette mesure a coûté 12 millions, le double d'il y a cinq ans.

De toute évidence, le syndicat n'entend pas céder cet acquis qui date de 1970 : en juin, ses membres ont rejeté pour une deuxième fois une entente de principe en assemblée générale.

La situation a dès lors commencé à s'envenimer. Quelques jours plus tard, l'AEM a retiré la sécurité d'emploi à la centaine de débardeurs qui comptaient le moins d'ancienneté.

Craignant que les plus jeunes se retrouvent sans salaire, le syndicat a donné le mort d'ordre à ses membres de refuser de faire des heures supplémentaires. Selon la direction, les débardeurs ont également ralenti leur rythme de travail, ce que nie le syndicat.

«En plus de représenter un coût supplémentaire, ces moyens de pression ont perturbé l'horaire maritime, ce qui est inacceptable», a déclaré Gilles Corriveau.

L'Association des employeurs maritimes dit espérer que le conflit se règle «rapidement». Gilles Corriveau a minimisé les pertes subies par les employeurs durant le lock-out.

«Dans le cas d'un arrêt de travail, on envoie simplement le cargo ailleurs. Il y a des pertes, on s'entend, mais il n'y a pas de manque à gagner épouvantable, a-t-il déclaré. C'est moins cher de fermer que de rester ouvert avec des moyens de pression, comme la semaine dernière.»

Les deux parties entendent se rencontrer cette semaine pour déterminer les services essentiels qui devront être maintenus pendant le conflit.

Tactique politique ?

Le Syndicat des débardeurs a qualifié lundi le lock-out de «complètement inutile et injustifié». Le comité de direction estime qu'il s'agit d'une tactique pour inciter le gouvernement fédéral à intervenir dans les négociations.

«On est persuadés qu'une espèce de pièce de théâtre est en train de se jouer», a déclaré le conseiller syndical des débardeurs, Michel Murray.

Selon lui, l'employeur souhaite l'intervention de la ministre fédérale du Travail, Lisa Raitt, pour se «défiler de son obligation de négocier». Soulignons qu'avant d'être élue, Mme Raitt était présidente et directrice générale de l'Administration portuaire de Toronto.

Le syndicat craint également que l'employeur se serve de la crise économique pour justifier ses demandes. Le port de Montréal a subi une baisse de son volume manutentionné de 12% l'an dernier par rapport à 2008.

Dans un communiqué publié lundi, l'Administration portuaire de Montréal, qui n'est pas partie du conflit, a dit espérer que les deux parties s'entendent «rapidement».

La direction dit «regretter» les inconvénients que la situation pourrait engendrer pour ses clients.

La ministre Lisa Raitt n'a pas rappelé La Presse. Dans un bref communiqué, elle s'est dite «déçue» que les parties aient été «incapables de régler leur différend», mais n'a pas précisé si elle entendait intervenir.

Le lock-out actuel constitue le troisième conflit de travail en 15 ans à survenir au port de Montréal. En 1995, les débardeurs ont été mis en lock-out pendant deux semaines. Il y a 10 ans, les camionneurs du port ont fait une grève d'un mois.