L'été dernier, l'administration Tremblay s'est engagée à verser une généreuse prime à Yvan Delorme pour qu'il reste trois ans de plus à la tête de la police de Montréal. Or, il pourra toucher près de 60% de cette prime en quittant son poste au bout de seulement cinq mois.

Le nouveau mandat de M. Delorme commençait le 12 avril dernier. Dès le lendemain, il était admissible à une part importante de cette prime de «rétention». Dans les faits, il a annoncé le 3 mai qu'il quitterait son poste en septembre prochain, ce qui lui permettra de toucher l'équivalent de 193 300 $.

Cette prime prend la forme de prestations supplémentaires versées à son régime de retraite. Si M. Delorme avait quitté son poste à la fin de son nouveau mandat, le 12 avril 2013, il aurait touché au total l'équivalent de 340 000$ (plutôt que 193 300$).

«Il ne s'agit pas ici d'une prime pour retenir M. Delorme comme chef de la police pour trois ans, mais bien de permettre à M. Delorme de quitter le service avec une prime de départ majorée de façon substantielle durant le reste de sa vie», a dit la chef de Vision Montréal, Louise Harel.

«Une différence de quelques jours dans l'annonce de sa démission coûte près de 200 000 $ aux contribuables montréalais alors que l'on demande des compressions au service de police, a-t-elle ajouté. Cette décision ne fera qu'encourager la perte de confiance de la population envers l'administration municipale.»

Le directeur des relations professionnelles de la Ville, Jean-Yves Hinse, a maintenu qu'il s'agissait d'une prime de rétention. Mais il a reconnu que M. Delorme pouvait profiter d'une bonne partie de cette prime dès qu'il franchissait la date du 12 avril 2010 et qu'il entamait son second mandat.

Selon l'entente conclue l'année dernière, la Ville de Montréal devra verser des milliers de dollars de plus chaque année pour améliorer le régime de retraite du chef de police démissionnaire.

Les actuaires de la firme Aon ont calculé que la contribution de la Ville s'élevait à 193 300 $ si M. Delorme partait en septembre 2010. Une contribution de 98 000 $ s'y serait ajoutée s'il avait franchi la date du 12 avril 2011 ; les autres contributions supplémentaires tombaient graduellement jusqu'à ne plus être que de 7000 $ en avril 2013.

Pour la Ville de Montréal, «le coût est plus important la première année, aux fins du calcul de la rente», a dit M. Hinse. «La première année était la plus avantageuse (pour M. Delorme), c'était la plus coûteuse (pour la Ville)», a-t-il ajouté.

Au parti Vision Montréal, on conclut donc que M. Delorme aurait de moins en moins bénéficié de la bonification de son régime de retraite en restant à son poste, «ce qui est exactement le contraire d'une mesure de rétention», a dit Mme Harel.

«S'il s'était agi d'une vraie prime pour le garder, elle aurait été plus généreuse à la fin de son deuxième mandat qu'au début, a-t-elle dit. Mais c'est l'inverse. En échange de la promesse de renouveler son mandat, M. Delorme a obtenu un gros avantage. Au bout du compte, il ne renouvelle pas son mandat, mais il garde son avantage.»

En quittant ses fonctions en septembre prochain, M. Delorme obtiendra 12 200 $ de plus par année dans son régime de retraite, a dit M. Hinse. Cette somme équivaut à environ 400 000 $ jusqu'à la fin de ses jours en dollars courants, ou 193 300$ en valeur actuelle.

M. Delorme n'a pas donné de raison précise pour expliquer son départ lorsqu'il a annoncé sa décision à son état-major, le 3 mai dernier. Devant quelque 125 cadres, il a dit que le moment était opportun pour tirer sa révérence. Il a par ailleurs expliqué qu'il préférait laisser son successeur pourvoir les nombreux postes qui se libéreront sous peu.

Il a assuré à ses collègues qu'il n'avait reçu aucune autre offre et qu'il n'était pas à la recherche d'un emploi non plus. Il souhaiterait consacrer plus de temps à ses loisirs, comme la voile et la plongée sous-marine. La Presse a tenté hier d'obtenir son point de vue sur la bonification de son régime de retraite, mais il a fait savoir par son porte-parole qu'il ne voulait faire aucun commentaire.