Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) va servir mardi une sévère rebuffade à Transports Québec, qui devra retourner à sa table à dessin et modifier en profondeur sa proposition pour la réfection de l'échangeur Turcot. Le projet est condamné à défoncer les budgets et les échéanciers.

Selon ce qu'a pu apprendre La Presse, le BAPE ne va pas toutefois jusqu'à retenir l'idée des groupes de citoyens qui voulaient, en pratique, transformer cette plaque tournante de la circulation à Montréal en boulevards urbains.

L'énorme volume de circulation - plus de 280 000 voitures par jour - rend impossible cette solution «verte» pour ces échangeurs, qui relient les autoroutes A-15, A-20 et A-720.

Respect de la population

Mais le BAPE fait écho à la vaste majorité des 90 mémoires des groupes entendus le printemps dernier en indiquant qu'il faut faire davantage pour respecter la population locale. Le projet du ministère des Transports prévoyait que la moitié des voies de circulation seraient construites «en remblai», sans l'élévation actuelle.

Ce projet supposait la démolition de 166 logements, l'achat par Québec de 34 immeubles commerciaux ou industriels et la fermeture de l'école Marie-de-l'Incarnation, que tente de sauver la communauté de Côte-Saint-Paul.

Le BAPE souligne que Transports Québec a travaillé en vase clos, sans tenir suffisamment compte des doléances des habitants du secteur. Il faudra revoir le projet en profondeur pour en limiter les impacts sur la population, ce qui causera des retards inquiétants quand on se souvient que trois firmes d'ingénierie ont, depuis deux ans, un contrat de 10 millions de dollars pour littéralement ausculter la structure construite il y a 40 ans.

Déjà, l'an dernier, la ministre des Transports, Julie Boulet, avait reconnu que l'échangeur avait atteint la limite de sa vie utile et devait être constamment surveillé. On avait même fermé des voies suspendues après des rapports alarmants des ingénieurs du ministère des Transports.

La ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, a le rapport depuis le début de septembre. Elle disposait de 60 jours pour rendre public l'avis du BAPE, un délai qui se terminait aujourd'hui. Le verdict du BAPE sera un coup dur pour Julie Boulet, sa collègue aux Transports.

Les coûts explosent

La refonte du projet qu'exige le BAPE signifiera «au moins un an de retard», confient des sources proches du dossier. En outre, la présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay, a déjà indiqué que tout changement au projet risquait de faire exploser la facture.

À l'origine, la réfection de l'échangeur, un chantier de 1,6 milliard de dollars qui doit durer sept ans, devait se faire en partenariat avec l'entreprise privée (PPP). À la faveur du départ de Monique Jérôme-Forget, la plus ardente partisane des PPP, le ministère des Transports, qui réclamait depuis des mois la maîtrise d'oeuvre du chantier, a fini par l'obtenir l'été dernier.

Durant les audiences du BAPE, une longue liste de groupes sont venus critiquer le projet. Notamment, le Dr Richard Lessard, directeur de la prévention et de la santé publique de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, l'avait jugé «inacceptable». Il s'inquiétait de l'augmentation des gaz à effets de serre, une croissance de 20% prévue pour la métropole d'ici à 2026, alors que l'amélioration des techniques devrait entraîner une réduction de 40 à 80% des émissions. «Montréal n'est pas un champ de blé d'Inde au travers duquel on passe une autoroute... il y a du monde qui vit là» avait dit le Dr Lessard.

Président de la Société de transport de Montréal, Michel Labrecque (battu aux élections du 1er novembre) avait aussi vertement critiqué le projet, dont la logique, selon lui, était digne des années 60.