De grands projets de transports en commun qui totalisent 12,5 milliards et pas un sou pour les payer. Que faire? C'est simple: rétablissons les péages routiers afin de financer l'essor des transports collectifs. Vous avez dit «simple»?

Le 4 mai 1990, le poste de péage du pont Champlain, entre Montréal et la Rive-Sud, a fermé ses portes. C'était le seul encore en activité au Québec. Les péages réapparaîtront en 2011 sur le pont de l'A-25, entre Montréal et Laval. Puis, sur l'A-30, en Montérégie, un an plus tard. Et un jour, peut-être, sur un boulevard plus près de chez vous.

Dimanche dernier, en rendant public le volet «transports en commun» de sa plateforme électorale, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a déclaré qu'un péage routier «métropolitain» était envisagé afin de financer la construction des tramways, métros, tram-trains et de la navette ferroviaire qui font l'objet d'études ou de promesses depuis des années dans la métropole (voir liste ci-bas).

Où ça des péages? À l'entrée des ponts? Sur les autoroutes? Ça commence quand? Est-ce une taxe? Une taxe à quoi? Combien cela va-t-il coûter? Que va-t-on faire de cet argent et qui va décider de ce qu'on va en faire?

«Et d'abord, demande l'ingénieur en circulation Ottavio Gallela, de la firme de consultants Trafix, qu'est-ce qu'un péage métropolitain? Montréal a déjà le pouvoir d'instaurer une tarification pour l'utilisation des rues de son territoire. Le gouvernement du Québec l'a confirmé l'an dernier. Pourquoi veut-on d'un péage métropolitain?»

Plus d'un an après le lancement du Plan de transport, qui prévoyait déjà l'instauration d'un péage pour financer les projets de la Ville, il n'y a pas eu de «grande consultation métropolitaine», ni même d'études approfondies pour répondre aux questions précédentes.

Si l'expérience récente de trois grandes villes européennes qui ont réussi à implanter un péage urbain, au cours des dernières années, peut servir d'exemple, les responsables de la métropole devront tôt ou tard répondre à ces questions s'ils veulent obtenir l'adhésion nécessaire du public à un tel projet.

Selon un rapport produit par l'Association québécoise du transport et des routes (AQTR) à la suite d'une «mission technique» de sept jours, l'an dernier, à Londres, Stockholm et Milan, «les municipalités ont dû assurer une augmentation des services de transports collectifs, effectuer une campagne de sensibilisation et d'information, et s'engager à réinvestir les sommes perçues dans les transports».

Le rapport ne tire aucune conclusion générale quant à l'efficacité de ces systèmes ou de ces formules de péage, et ne propose aucune recommandation quant à la marche à suivre pour instaurer de nouveau le péage sur les routes de Montréal, de la banlieue, ou du reste du Québec.

«Bien que chaque projet comporte ses particularités propres, nous avons pu constater que la mise en place de ces systèmes se réalise à la suite d'un long processus de réflexion, de planification et de consultation», qui, dans le cas de Stockholm, en Suède, s'est étiré sur 20 ans.

«Nous constatons également, conclut le rapport de mission, que chaque projet doit être développé en fonction des besoins spécifiques d'une ville et des objectifs visés par le péage. Il n'y a donc pas de modèle unique et directement transférable, d'une ville à une autre.»

«C'est facile de faire perdre sa légitimité à un projet de péage, dit Matthieu Laberge, économiste au CIRANO. Si on ne commence pas par présenter un plan précis, avec des objectifs clairs et des projets concrets pour l'utilisation de l'argent recueilli, le public va conclure que le péage est juste une autre façon de réunir des fonds, et le projet va déraper.»

L'an dernier, M. Laberge a réalisé une étude pour l'Institut économique de Montréal, qui a révélé un taux d'appui surprenant au péage, dans la population, si les sommes recueillies étaient réinvesties dans les infrastructures. Le fait qu'elles soient consacrées aux transports en commun «pourrait faire baisser les appuis».

Pour sa part, l'urbaniste Gérard Beaudet, de l'Université de Montréal, croit qu'il pourrait être très difficile de mener ce projet à bon port, dans le contexte actuel de gouvernance incertaine, de multiplication des paliers décisionnels, et des intérêts contradictoires qui subsistent entre Montréal et les banlieues.

«Si on demandait à Montréal, aux villes de banlieue, au gouvernement du Québec ou au reste la province ce qu'on doit faire avec les sommes perçues par un péage, chacun donnerait probablement des réponses différentes. Dans le contexte actuel, où il n'y a aucune cohérence perceptible entre les politiques de transport des différents ordres de gouvernement, ça risque seulement de créer la même cacophonie, sur la question du péage.»

Des projets de 12,5 milliards (déjà annoncés ou en cours) 

(Projet/Échéancier/Coût en millions) 

Acquisition de 765 nouvelles voitures de métro 2021 4500

Prolongement du métro (Montréal, Laval et Longueuil) 2019 3000

Locomotives, voitures de trains et nouveaux ateliers 2012 1000

Train léger (SLR) Montréal-Brossard dans l'axe de l'A-10 2020 1000

Réfection des équipements du métro (Réno-Systèmes) 2015 1000

Navette ferroviaire aéroport/centre-ville 2014 800

Tramways (première phase)?  700

Train de l'Est (train de banlieue) 2010 400

Autobus express sur le boulevard Pie-IX (Montréal) 2010 100

TOTAL 12,5 milliards

Note: les échéanciers sont ceux annoncés par le MTQ, l'AMT, Aéroports de Montréal, ou la Ville de Montréal. Les coûts estimés ont été colligés par La Presse.