Spectre de corruption à faire disparaître, structure administrative à revoir, plan de transport intégré à repenser... La liste des défis auxquels la Ville de Montréal doit faire face est longue et ardue. En attendant, pourquoi ne pas commencer par de petites choses, de petites transformations peu coûteuses qui peuvent, dès à présent, changer le visage de la ville? Pendant la campagne électorale municipale, la chroniqueuse Marie-Claude Lortie rencontre des Montréalais amoureux de leur métropole. Aujourd'hui, la spécialiste du marketing Anne Darche.

«Que fait une femme pour se donner tout de suite un petit look. Quelque chose de minimal, rapide, pas cher ? «

 

C'est Anne Darche qui parle et nous sommes là pour discuter de Montréal.

Je sens bien qu'elle cherche à faire une analogie beauté, mais où veut-elle en venir ? Est-ce un lifting, du botox, du restylane dont la ville a besoin ?

Pas du tout, continue rapidement la spécialiste de la pub, du marketing, du zeitgeist et de la tendance urbaine.

Les métaphores de chirurgie plastique sont souvent plus appropriées lorsqu'on parle des nids-de-poule. Là, on est dans la beauté toute simple, l'instantanéité, le petit coup de vitamine du matin...

« Mais ce qu'on fait, ce n'est pas compliqué : on met du rouge à lèvres ! Juste un petit peu de rouge et l'effet est immédiat. Montréal a besoin de la même chose. «

C'est dans sa voiture, il y a plusieurs mois, en remontant une rue particulièrement tristounette de l'est de la ville que cette observatrice de la métropole a eu cette idée pour la première fois. « Je regardais ça et je me disais : dans le fond, ça ne prend pas grand-chose... Un peu de couleur ? «

Il faut dire que Mme Darche, avant d'être propriétaire d'une grande agence de publicité, Allard-Johnson, a étudié les arts visuels, domaine qu'elle a réintégré après avoir vendu son agence il y a plusieurs années. C'est donc un oeil de peintre et d'illustratrice qui regarde Montréal et qui trouve la ville très grise.

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Peindre la porte d'une maison d'une couleur vive, d'un ton souvent tranchant avec celui de la brique ou de la pierre, et même avec le reste des boiseries, est une tradition dont il est difficile de trouver les origines.

En fait, il semble y en avoir partout.

En Chine, on peint les portes des maisons en rouge pour la nouvelle année car cela porte chance, dit-on, alors qu'au Maroc, elles sont bleues comme le ciel. À Belle-Île, en France, la tradition veut qu'on peigne portes et boiseries de la même couleur que son bateau.

En Irlande, la tradition de peindre la porte d'une jolie couleur remonte, dit-on, au XVIIIe et au XIXe siècles, au temps où les belles rues de Dublin étaient soumises aux règles architecturales strictes des époques géorgienne, puis victorienne et même edwardienne. Mettre ainsi un peu de couleur devenait, dans ce contexte d'uniformité, une façon d'affirmer sa différence. Au XXe siècle, non seulement cette habitude s'est-elle consolidée, elle est de plus devenue l'une des marques de commerce de Dublin qui invite encore aujourd'hui les touristes à venir voir ses portes multicolores.

Anne Darche croit qu'on pourrait aisément convaincre les Montréalais d'embarquer, eux aussi, dans une vaste opération de « peinture de porte «, si on s'organisait pour que ce soit facile, peu coûteux et accessible pour les citoyens. Elle propose de trouver des commanditaires pour offrir la peinture. Une façon pour les fabricants de montrer leurs nouvelles palettes... Il pourrait même, dit-elle, y avoir des brigades de peintres de porte qui s'occuperaient de rues entières, histoire de créer des harmonies de couleur.

Il suffit, dit-elle, de trouver la bonne façon de s'organiser. Et après tout, cette tradition de la porte peinte n'est-elle pas connectée à nos propres racines architecturales anglo-saxonnes ?

Et ne serait-ce pas une façon de créer une fierté, rue par rue ? Un sentiment d'appartenance ?

« Je vous le dis, la peinture, c'est connu, c'est la façon la plus efficace et la moins coûteuse de créer de l'effet. Juste avec quelques coups de pinceau sur la porte, c'est toute la maison qui a meilleure allure. C'est toute la rue qui s'en porte mieux. «

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Et les murs ?

Là encore, Anne Darche prône la peinture, toujours plus de peinture et de couleur. C'est pourquoi elle aide Mu-Art, un organisme à but non lucratif qui pilote des projets de murales sur des murs aveugles dans la ville.

Si vous vous demandez, par exemple, qui a peint ces jolies fresques sur les conteneurs à déchets du complexe de HLM Jeanne-Mance ou qui on doit remercier pour les murales qui ornent les murailles de briques ou de ciment un peu partout, du Mile-End à Notre-Dame-de-Grâce Ouest, en passant par Parc-Extension, Saint-Michel et le Plateau, c'est eux. « On est en train de bâtir un patrimoine avec ça, comme l'a fait Philadelphie avec ses 2800 murales «, explique-t-elle.

Mu-Art peut même mettre en contact artistes et propriétaires de maisons ou d'immeubles qui aimeraient transformer un de leurs murs. Qui a dit qu'un bord de ruelle ou une allée de garage devait nécessairement être beige ou gris ?