Confronté à la complexité croissante du projet de reconstruction de l'échangeur autoroutier Turcot, à Montréal, le gouvernement a renoncé, hier, à confier la réalisation de l'infrastructure à un partenaire privé.

La ministre des Transports, Julie Boulet, a déclaré que le resserrement du marché du crédit rendait le financement plus difficile à trouver, pour les entreprises, ce qui compromet les économies de 100 millions $ que laissait miroiter le recours à un partenariat public-privé (PPP).

 

Mme Boulet a aussi justifié sa décision en soutenant que le projet de 1,5 milliard $ nécessitait plus de souplesse étant donné qu'il se situe dans une zone urbaine très dense, au sud-ouest du centre-ville de Montréal.

«Comme cette économie n'est plus là, ça nous ouvre la porte pour dire: 'écoutez, étant donné que c'est un dossier très complexe, avec beaucoup de partenaires, (...) il y a lieu de remettre en question le PPP pour Turcot'«, a dit la ministre lors d'une entrevue téléphonique.

En concluant une entente avec un partenaire privé, Québec aurait confié un consortium l'entière gestion du projet, soit la conception, la construction, l'entretien et la remise en état du complexe autoroutier.

Au cours des dernières semaines, le gouvernement avait multiplié les signes indiquant que le mode PPP, une façon de procéder introduite par les libéraux dans le but de mieux contrôler les coûts des grands projets publics, pourrait être abandonné.

La présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay, avait notamment ouvert la porte à un retour du mode traditionnel pour l'échangeur Turcot ainsi que pour le Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM).

Plusieurs groupes professionnels, dont l'Ordre des architectes, ainsi que la Ville de Montréal, ont aussi fait valoir que le mode PPP n'était pas adapté à ces deux projets.

Dans le cas de l'échangeur, le manque d'espace réservé au transport en commun ainsi que les effets néfastes sur la santé publique ont été dénoncés, en juin, lors d'audiences publiques sur l'impact environnemental du projet.

Mme Boulet a déclaré hier qu'avec Turcot, Québec inaugurerait un mode hybride, soit un mode de construction conventionnel jumelé à certains aspects des PPP, comme le partage de risque avec des entrepreneurs et des firmes d'ingénieurs.

Pour la première fois, a-t-elle indiqué, certains fournisseurs du ministère des Transports seront soumis à des primes ou pénalités en fonction du respect des délais.

«Ce qu'il y a de bon dans le PPP, c'est le partage de risque, les échéanciers, le respect des coûts, tout ce qui peut nous amener, dans une formule hybride, à optimiser notre façon de réaliser les choses», a-t-elle dit.

À l'Agence des PPP, un organisme public chargé de conseiller le gouvernement dans ce genre de projet, un membre du conseil d'administration, Marcel Boyer, a estimé que les raisons invoquées par Mme Boulet n'étaient pas convaincantes.

M. Boyer a donné l'exemple de projets européens où le mode PPP offre toute la souplesse voulue, même en milieu urbain.

Quant au financement, M. Boyer juge que même si le gouvernement obtiendra des taux d'intérêt plus avantageux qu'une entreprise privée, pour financer le projet, les contribuables pourraient devoir éponger des dépassements de coûts, ce qu'empêche le mode PPP.

«Est-ce que c'est un signe que le gouvernement n'est pas prêt à définir de façon très précise le projet? Et donc qu'il se garde la possibilité de changer d'idée en cours de route? Ca, c'est la porte ouverte à des dépassements de coûts», a-t-il dit.