Estimant avoir été mal informée par la Ville de Longueuil d'un changement de zonage qui ouvre la porte à la création d'un centre de tri des déchets tout près de son propre centre de transbordement, Waste Management a déposé une poursuite contre la municipalité, a appris La Presse. La firme est appuyée par des résidants du quartier.

Le changement de zonage a été accordé par résolution du conseil municipal le 2 septembre dernier. La zone se trouve dans le Vieux-Longueuil, entre le terrain de golf du Parcours du Cerf et l'autoroute 20. Il s'agit d'un secteur à la fois résidentiel, au niveau du chemin du Lac, commercial (rue Hérelle) et industriel, avec le centre de transbordement des déchets de Waste Management.

 

Waste Management, deux résidants et quatre gens d'affaires allèguent dans une requête déposée en Cour supérieure, le 22 juin, que la procédure d'adoption du règlement de zonage «est entachée d'un vice fatal» qui leur cause un grave préjudice. Selon eux, la Ville les a mal informés du changement de zonage. Ils estiment que les avis publics relatifs à la tenue d'une assemblée publique et avisant les personnes intéressées de leur droit de signer une demande d'approbation référendaire n'ont pas été publiés conformément à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Ils affirment que la publication de ces avis «durant la période des vacances estivales dans un journal de quartier», qui n'est pas distribué dans les zones visées par le projet ou contiguës, a fait qu'ils n'ont pas été informés adéquatement du changement de zonage. Ils ajoutent que l'entrée en vigueur du règlement, un mois plus tard, a fait l'objet d'une parution dans un autre petit journal de Longueuil, qui n'est pas non plus distribué dans leur quartier.

Ainsi, les demandeurs croient que la Ville a procédé «en catimini» et manqué «à son devoir d'agir avec loyauté et impartialité».

Il y a une semaine, la Ville a fait savoir à Waste Management qu'aucune demande de permis n'a été faite pour un projet à cet endroit. Mais la firme et les citoyens ont mis la main sur un rapport du comité consultatif d'urbanisme de Longueuil qui mentionne que la modification de zonage a été demandée par la firme d'urbanisme Groupe Gauthier Biancamano Bolduc. GGBB agissait au nom de la compagnie RCI Environnement, propriété de la famille Rémillard (qui a acheté la chaîne TQS).

On lit dans ce rapport que «RCI veut convertir un bâtiment industriel en centre de tri et centre de transbordement des déchets sur la zone I21-154 afin de transférer les déchets des camions de collectes à des semi-remorques». Il est aussi indiqué que RCI veut utiliser des semi-remorques pour diminuer la consommation d'essence et les gaz à effet de serre. La Ville estimant que le volume de déchets n'augmenterait pas sur le chemin du Lac et «qu'aucune nuisance visuelle, olfactive et auditive ne sera accrue par rapport aux activités actuelles de la compagnie», elle a décidé d'agréer la demande de changement de zonage.

Waste Management exploite depuis une vingtaine d'années un centre de transbordement dans la zone contiguë du lot appartenant à RCI. Porte-parole de Waste Management, Bernard More a dit à La Presse, mardi, que les requérants exigent l'annulation du règlement de zonage et une consultation en bonne et due forme des citoyens du quartier. «Une école secondaire est dans une des zones contiguës et elle sera donc à la porte même du futur site», dit-il.

M. More reconnaît que l'arrivée d'un concurrent à sa porte ne lui fait pas plaisir. «C'est évident qu'on a des intérêts commerciaux à protéger; mais la question est aussi de savoir si on a besoin d'un autre centre de transbordement de déchets à cet endroit, dit-il. Longueuil en a déjà deux, un ici et un autre à Saint-Hubert. Aucun des deux ne fonctionne à pleine capacité. Il est donc difficile de justifier une telle décision.»

Me Daniel Carrier, directeur du service juridique de la Ville de Longueuil, a déclaré à La Presse que son service «fait l'évaluation de la requête pour établir notre position». «On ne commentera pas davantage la question», a-t-il ajouté. Par ailleurs, RCI n'a pas rappelé La Presse.