Renée Castonguay s'y résigne, le vent continuera de charrier des mauvaises odeurs dans son quartier pour plusieurs années encore. La mobilisation en masse de son voisinage pour bloquer l'expansion du dépotoir de Lachenaie n'aura rien donné: le gouvernement vient d'autoriser le maintien de ses opérations pour 10 ans.

La décision est tombée sans tambour ni trompette au lendemain de la Fête nationale: Québec autorise le plus gros site d'enfouissement de la province à maintenir ses activités à peu près telles quelles pour cinq ans. La multinationale devra ensuite obtenir un nouveau feu vert du gouvernement pour poursuivre les opérations pendant cinq ans encore.

 

Dans le quartier de la Presqu'île de Repentigny, le coeur de la résistance populaire au projet, plusieurs ignoraient le verdict du gouvernement lors du passage de La Presse hier. Et tous les résidants rencontrés sur place ont réagi avec lassitude, voire avec cynisme face à la décision.

«On se sent pas mal petits en face d'une grosse compagnie qui est beaucoup plus forte que nous», a confié Renée Castonguay, qui habite la rue Chantal depuis 28 ans.

Elle a vu le site BFI s'agrandir de plus en plus au fil des ans. Ou plutôt, elle l'a senti. Certains jours, le vent amène des odeurs pestilentielles. Les goélands convergent par centaines dans le secteur, même si leur nombre a baissé dans les derniers mois. Et plusieurs de ses voisins craignent que leur santé soit minée par les vapeurs du dépotoir.

Alain Gosselin, lui, habite la maison la plus proche du dépotoir, au bout de la rue Charbonneau. Il lui suffit d'une marche de cinq minutes à travers une forêt pour arriver devant une imposante montagne entourée d'une clôture et ponctuée de tuyaux qui dégagent une fumée blanche.

«Bien sûr que j'aurais aimé le voir fermer, mais on ne peut rien faire, a-t-il déploré. Le comité des citoyens s'est battu, tout le monde a donné de l'argent pour financer la bataille, et ça n'a rien donné. Ils sont trop gros.»

Le Comité des citoyens de la Presqu'île se bat depuis des années contre l'expansion du dépotoir. Il a notamment mis sur pied une équipe de chercheurs pour déterminer si le site BFI a un impact sur la santé humaine. Il a même porté sa cause devant les tribunaux, mais il a abandonné son recours et renoncé à toute autre poursuite pendant cinq ans. En retour, BFI et le gouvernement épongeaient une part de ses frais judiciaires.

L'avocat François Valiquette, l'un des porte-parole du groupe, est déçu de la décision de Québec, mais il estime que les citoyens ont fait certains gains. Leur combat a forcé la main des élus du Grand Montréal pour qu'ils mettent en place des programmes de collecte de recyclage et de compostage. Et BFI a adopté des mesures pour réduire les odeurs et contrôler la prolifération de goélands.

Il souhaite toutefois mieux prendre connaissance du décret gouvernemental avant de le commenter.

Pour Karel Ménard, qui dirige le Front commun québécois pour la gestion écologique des déchets, la décision du ministre est «malheureuse». Car en maintenant les opérations au dépotoir de Lachenaie, Québec consacre l'échec de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) à se mettre au recyclage et au compostage.

«On autorise BFI et ses clients, dont la Communauté métropolitaine de Montréal, de continuer à faire comme ils ont toujours fait, c'est-à-dire à enfouir des quantités énormes de déchets.»

La ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, ne s'est pas rendue disponible pour commenter le dossier, hier.