Les affrontements de mardi dernier laissent présager un été chaud dans le quartier de Montréal-Nord. Mais les policiers auront une nouvelle arme à leur disposition pour éviter le regain de violence appréhendé à l'approche du premier anniversaire de la mort de Fredy Villanueva: un travailleur social sera à leur disposition 24 heures sur 24.

D'ici quelques jours, quelques semaines tout au plus, un numéro d'urgence sera fourni aux policiers et aux organismes communautaires pour leur permettre de joindre en tout temps, sept jours sur sept, l'un des quatre travailleurs sociaux de Montréal-Nord. Les policiers pourront l'appeler pour qu'il leur prête main-forte chaque fois qu'ils auront à intervenir auprès des jeunes du quartier avec qui les relations sont toujours tendues. Les autorités font le pari qu'un civil sera plus efficace qu'un agent en uniforme.La nécessité d'accroître la collaboration entre les policiers et les services communautaires revient souvent sur le tapis lorsqu'il est question de Montréal-Nord. Mais ce besoin est apparu d'autant plus criant aux membres de la table Prévention, paix et sécurité de l'arrondissement Montréal-Nord lorsqu'ils se sont réunis d'urgence mercredi pour trouver des moyens de rétablir les ponts entre les jeunes et la police à la suite des violences de cette semaine. «Si nous avions eu un travailleur social sur place mardi soir, il n'y aurait peut-être pas eu d'incident», a expliqué hier Jean-Marc Gibeau, responsable du dossier de la sécurité à la mairie de Montréal-Nord.

Un travailleur social pourra même parfois être dépêché en lieu et place des policiers, par exemple lorsqu'une plainte sera émise par un commerçant dont l'accès est bloqué par un attroupement de jeunes. S'il parvient à les persuader à quitter les lieux, les forces de l'ordre n'entreront pas en scène. «Depuis un an, chaque intervention des policiers risque de créer une réaction des jeunes. C'est un peu normal, on représente l'autorité, a reconnu hier le commandant du poste de quartier 39, Roger Bélair. Nous n'avons pas un rôle de médiateurs à long terme, comme les organismes sociaux.» L'affrontement entre les policiers et une cinquantaine de jeunes est survenu lorsque les policiers ont tenté de disperser des jeunes réunis au parc Carignan. Neuf d'entre eux ont été accusés cette semaine de voies de fait sur les policiers, de méfaits, de menaces ou de possession d'armes. Un seul était toujours détenu, hier.

Vigie

Cette mesure s'ajoute au comité de «vigie» formé mercredi pour traquer les signes annonciateurs de violence et désamorcer les crises avant qu'elles n'éclatent. «On appréhende l'été et l'anniversaire de la mort de Fredy Villanueva», confirme Jean-Marc Gibeau, ajoutant toutefois du même souffle que «l'incident de mardi aurait pu arriver dans n'importe quel autre quartier de Montréal. Sauf qu'on en aurait moins parlé.»

Pour William Lamarre, directeur du Café jeunesse multiculturel de Montréal-Nord qui chapeaute l'équipe de travailleurs communautaires en poste, cette annonce est évidemment un pas dans la bonne direction. Mais il en faudra bien davantage pour changer la donne dans cet arrondissement. «C'est le territoire le plus densément peuplé au Canada: il faut revoir complètement son aménagement et pour ça, ça nous prendrait un sérieux coup de pouce financier de Québec.»

Les craintes que l'été soit mouvementé seraient aussi moins grandes si Québec avait accepté de lancer une enquête publique indépendante sur la mort de Fredy Villanueva, dit M. Lamarre. «Ça aiderait sûrement (à apaiser les tensions) parce que la population la réclame.»

La coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés, Nicole Filion, réclame aussi plus de soutien de Québec dans ce dossier. «La solution n'est pas policière mais politique», dit-elle, déplorant que ce soit le ministre Jacques Dupuis qui ait commenté publiquement les événements de cette semaine. «Les problèmes de Montréal-Nord ne relèvent pas que du ministère de la Sécurité publique, ils sont majeurs et touchent plusieurs sphères socioéconomiques.» Près de 40% de la population du secteur vit sous le seuil de la pauvreté, rappelle Mme Filion.