La Société du Vieux-Port de Montréal a beau avoir signalé un non sans équivoque au projet privé de téléphérique censé relier l'un de ses terrains à la ville de Saint-Lambert, sur la Rive-Sud, les commerçants du Vieux-Montréal insistent.

Le président de la Société de développement commercial (SDC) du Vieux-Montréal, Michael Banks, a souligné, lors d'une conférence de presse tenue jeudi matin au milieu de la place Jacques-Cartier, que le projet de près 100 millions $ de la compagnie Skylink serait entièrement financé par le privé. L'argent est déjà en banque, selon la SDC, et Skylink serait prête à commencer les travaux dès cette année. Ceux-ci dureraient quelque 18 mois.

«Les dernières révélations de Claude Benoît, directrice générale de la société du Vieux-Port de Montréal, soulignant que le secteur n'avait pas besoin de nouvelles attractions et que le dossier après étude était clos, s'appuient d'un argumentaire faible et inacceptable pour les commerçants du secteur du Vieux-Montréal, a déclaré M. Banks. Elle s'objecte à ce qu'un édifice utilisant 1600 mètres carrés du territoire fédéral soit érigé comme point de départ et d'arrivée des utilisateurs des futures télécabines.»

Michael Banks a fait valoir que le projet aurait pour Montréal des retombées d'environ 120 millions $ et créerait au moins 3000 emplois. Il a aussi insisté sur le fait que le téléphérique allierait les fonctions d'attrait touristique et de moyen de transport collectif.

M. Banks a dénoncé la timidité dont semblent faire preuve dans ce dossier les ministres fédéral et provincial responsables de Montréal, Christian Paradis et Raymond Bachand, ainsi que le maire Gérald Tremblay.

«Son silence est étourdissant et inacceptable», a-t-il lancé au sujet de M. Paradis, le plus visé des trois politiciens. Il l'a sommé «d'engager immédiatement les pressions nécessaires à la bonne marche du dossier et de s'assurer que les travaux relatifs à la construction du téléphérique débutent dès que possible».

«Si 100 millions $ gratuits, ce n'est pas assez, qu'est ce que ça prend pour vous réveiller?», lui a-t-il sèchement demandé.

«La Société du Vieux-Port de Montréal est un organisme indépendant, a pour sa part rétorqué le ministre Paradis en entrevue téléphonique. Il ne faut pas que M. Banks laisse croire que j'ai un pouvoir décisionnel dans la Société du Vieux-Port. Ce n'est pas le cas.

«Ça ne veut pas dire que notre gouvernement est contre le projet, a-t-il ajouté. C'est certain qu'on est pour les investissements. Mais je constate aussi que le projet, à l'heure où l'on se parle, ne fait pas l'unanimité.»

Les organismes Héritage Montréal et Tourisme Montréal ont également exprimé des réserves devant le projet, tandis que la Société du parc Jean-Drapeau - où les télécabines feraient escale -, Destination centre-ville, l'Association des hôtels du Grand Montréal ainsi que l'Association des gens d'affaires de Saint-Lambert l'appuient.

«Si ça peut marcher, si je peux faciliter les choses, je vais le faire», a néanmoins assuré Christian Paradis.

La Société du Vieux-Port de Montréal avait déjà expliqué son refus en affirmant que le projet de Skylink nuirait à ses opérations et menacerait à la fois les espaces verts dont elle dispose et le patrimoine archéologique du Vieux-Montréal. Dans une récente lettre ouverte, sa directrice Claude Benoît avait aussi estimé que le projet relevait de l'«improvisation».

La Société du Vieux-Port a réitéré jeudi qu'elle ne s'opposait pas au concept lui-même. «On s'oppose uniquement à l'implantation du projet sur les quais du Vieux-Port, a précisé Michel Rafie, directeur des relations publiques. C'est un projet qui ne répond pas à nos critères ni à notre plan de développement.»