La course à la mairie de Montréal vient de prendre son véritable élan. Mettant fin à des semaines de suspense, Louise Harel a annoncé mercredi qu'elle serait candidate à la mairie de Montréal sous les couleurs du parti Vision Montréal.

Celle qui sera couronnée chef de Vision Montréal dans quelques mois n'a pas tardé à faire des appels du pied à peine voilés aux élus et aux militants d'autres formations politiques. «Notre démarche en est une de grande ouverture. Citoyens, membres d'autres partis, je vous invite à nous rejoindre pour participer à ce vent de changement», a-t-elle déclaré.

D'anciens élus de Vision Montréal, comme Robert Laramée, ex-directeur du parti, et Pierre Mainville, désormais conseiller indépendant de l'arrondissement Ville-Marie, ont clairement manifesté leur intention de rejoindre leur ancienne formation. Selon eux, l'arrivée de Louise Harel fera réfléchir bien des élus de l'est de l'île (voir autre texte).

Chose certaine, André Lavallée, membre du comité exécutif de la Ville, ne changera pas de parti pour suivre Louise Harel, dont il a pourtant longtemps été un proche. «J'ai beaucoup de difficulté à comprendre l'alliance avec Vision Montréal, qui m'a l'air plus d'un mariage forcé», a-t-il indiqué, en entrevue à La Presse.

Mme Harel espère aussi rallier des militants du parti Projet Montréal. «J'ouvre un dialogue constructif avec les militants de Projet Montréal», dit-elle. Une plate-forme commune ? «Tout est ouvert», se borne-t-elle à répondre. Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, qui avait lui aussi courtisé l'ex-ministre, s'est refusé à tout commentaire.

Anglais déficient

Chose certaine, la candidature de Louise Harel est très mal accueillie chez les anglophones, qui comprennent mal comment la candidate peut critiquer une méga-ville qu'elle a elle-même, comme ministre des Affaires municipales, contribué à mettre sur pied. «C'est elle qui a créé le monstre», lance l'ancien maire de Westmount, Peter Trent, qui résume le sentiment ambiant dans la communauté.

En conférence de presse, Louise Harel a rapidement été confrontée à son anglais déficient, à ses convictions souverainistes et aux fameuses fusions municipales. Devant les journalistes, Mme Harel a été incapable de formuler une réponse complète en anglais. «Soyez sûrs que j'aimerais beaucoup être parfaitement bilingue», a-t-elle dit.

Une journaliste de la CBC lui a tout de suite mis sous le nez ses déclarations passées, sur le «colonialisme» de la ville de Westmount et la ghettoïsation de Saint-Laurent. Comment va-t-elle surmonter ces handicaps ?

«J'ai la capacité de dire à nos concitoyens de la communauté anglophone qu'ils peuvent compter sur moi pour faire progresser Montréal et la faire sortir de sa léthargie», plaide Louise Harel, faisant valoir qu'elle est mariée à un homme d'origine palestinienne et converse en anglais avec sa belle-famille.

«Anglophones, francophones, allophones, nous sommes tous Montréalais. Il ne saurait être question de reprendre le débat une île, une ville», a-t-elle déclaré, dans l'espoir manifeste d'amadouer la communauté anglophone.

«Freiner le démantèlement de Montréal»

C'est pour «mettre fin à la paralysie ambiante» et «freiner le démantèlement de Montréal» en 19 quasi-villes que Louise Harel veut devenir maire de Montréal. Elle s'associe donc à Benoit Labonté, qui lui cédera sa place comme chef du parti Vision Montréal et qui deviendra, si son parti prend le pouvoir le 1er novembre, président du comité exécutif. «Montréal est à la croisée des chemins comme jamais dans son histoire, a fait valoir M. Labonté. Nous avons la meilleure équipe.»

Ce sont les témoignages d'appui de simples citoyens, reçus à la suite de son allocution au congrès de Vision Montréal, qui l'ont décidée à se lancer, a dit Louise Harel. «Jamais je n'aurais cru que le grand cri du coeur que j'ai lancé à l'encontre du démantèlement aurait autant d'écho. Et les gens m'ont dit : "Il ne faut pas juste le dire, il faut le faire".»

Depuis les défusions en 2005, Montréal est prisonnière d'une «structure empoisonnée, qui va s'incruster», dénonce Mme Harel. «Les arrondissements sont des quasi-villes». Une administration dirigée par Louise Harel mettrait donc la hache dans les pouvoirs des arrondissements.

«Mme Harel n'est pas encore chef que déjà, elle nous annonce un immense rebrassage de structures et de longs débats sur la gouvernance, a ironisé Martin Tremblay, attaché de presse du maire Gérald Tremblay. Pour notre administration, dans le contexte actuel de crise économique, la priorité est de garder le cap sur le développement économique et l'amélioration de la qualité de vie aux citoyens.»