Un docteur en urbanisme a déploré hier le manque d'informations accessibles au grand public pour comprendre l'ampleur du projet de reconstruction de l'échangeur Turcot, et imaginer les impacts qu'il aura sur les quartiers traversés par ses voies autoroutières.

Au deuxième jour des consultations du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) relatives à ce mégaprojet de 1,5 milliard de dollars, le professeur au département de géographie, urbanisme et environnement de l'Université Concordia, Pierre Gauthier, a demandé pourquoi aucune représentation du projet en trois dimensions n'a été rendue disponible pour le public ou les spécialistes, dans le cadre du projet.

«Écoutez, a déclaré M. Gauthier aux commissaires du BAPE, j'ai deux diplômes en architecture et un doctorat en urbanisme, et l'information que j'ai ne me permet pas de juger de la géométrie des ouvrages, ou de leur insertion dans les milieux. Alors, si un spécialiste ne peut pas se représenter l'ouvrage, comment le public en général peut-il comprendre la nature de l'intervention et de juger des impacts sur les milieux?»

Deux maquettes à venir

Le directeur du projet pour le ministère des Transports du Québec (MTQ), Alain Dubé, a expliqué qu'une maquette à l'échelle précise du projet Turcot «est en préparation», mais qu'elle ne devrait pas être disponible avant la fin de juin.

Le MTQ a précisé que deux maquettes seront réalisées. La première, complète et animée, montrera le projet dans son ensemble. L'autre sera constituée d'une série de maquettes particulières des différents secteurs traversés par le projet. On songe à une exposition publique.

Le président de la commission du BAPE, Michel Germain, a toutefois fait remarquer aux représentants du MTQ qu'à ce moment-là, la portion publique de son mandat sera terminée, et que le public se sera déjà prononcé sur le projet de reconstruction du plus gros carrefour autoroutier au Québec.

Des voies rabaissées

Inauguré en 1967, dans le sud-ouest de Montréal, l'échangeur Turcot relie trois des autoroutes les plus importantes de la métropole, soit l'autoroute Décarie (A-15), l'autoroute Jean-Lesage (A-20) et l'autoroute Ville-Marie (A-720).

Environ 280 000 automobiles et camions le traversent tous les jours. Ses nombreuses voies autoroutières traversent plusieurs quartiers résidentiels, dont Saint-Henri et Côte-Saint-Paul.

Les voies routières de l'échangeur actuel sont surélevées et étagées. Les plus hautes s'élèvent jusqu'à 30 mètres.

Les piliers de béton et les bretelles qui occupent présentement tout le paysage disparaîtront d'ici 2016, pour faire place à de nouvelles voies routières, plus basses, aménagées sur des talus paysagés. Plus de 300 000 mètres carrés (l'équivalent de 165 patinoires) d'espaces et de terrains vagues dans la périphérie immédiate de l'échangeur seront convertis en espaces verts.

Simulations «trompeuses»

Selon M. Gauthier, les simulations visuelles et dessins d'artistes publiées par le MTQ pour illustrer la présence du futur échangeur dans les quartiers, sont «trompeuses». Il s'agit, dit-il, de vision partielle, sélective, habillée de verdure, qui ne donne qu'une idée de «l'atmosphère» qu'on veut projeter.

«Mais pour comprendre l'échelle de ces ouvrages, leur intégration avec les quartiers, les voies piétonnières, les rues locales, ces représentations sont inadéquates», a commenté le professeur, spécialisé dans l'étude de la trame urbaine.

L'architecte Pierre Brisset a pour sa part fait valoir qu'il a cherché en vain dans les documents rendus publics par le BAPE, dans le cadre des consultations en cours, une justification à la reconstruction partielle de l'autoroute Ville-Marie, qui est projetée dans le cadre du projet.

Le centre Gadbois menacé

Le conseiller municipal d'arrondissement du district Saint-Henri/Pointe-Saint-Charles/Petite-Bourgogne, Pierre Fréchette, a demandé pour sa part que le MTQ produise une simulation visuelle montrant la proximité du nouvel échangeur avec le centre récréatif Gadbois, au deuxième rang des centres récréatifs les plus utilisés à Montréal, avec 500 000 entrées par année.

Selon M. Fréchette, cette image, qui n'était pas disponible hier, illustre que les nouvelles voies routières seront à hauteur des bâtiments du centre, et qu'une distance de seulement quelques mètres séparera les voies routières du complexe récréatif.