La Sûreté du Québec, qui enquête depuis octobre 2007 sur l'administration de l'ex-maire d'Outremont, Stéphane Harbour, va regarder de plus près le dossier de la construction du Centre communautaire intergénérationnel (CCI) par Dessau-Soprin. La Presse a appris que «de nouveaux éléments» lui ont été transmis. La SQ reconnaît n'avoir pas été très active dans ce dossier depuis 18 mois.

La division des crimes économiques de la SQ n'a toujours pas mis les pieds à Outremont pour enquêter sur les dépassements de coûts de la construction du CCI. Le projet, qui devait coûter 6,6 millions au départ, aura presque coûté le double. Les policiers n'ont toujours pas interrogé l'administration Union Montréal de l'arrondissement au moment des faits, soit l'ex-maire Harbour, l'ex-directeur Yves Mailhot, l'ex-directeur-adjoint Jean-Claude Patenaude, ni l'actuelle mairesse, Marie Cinq-Mars, ni Pierre Chapuis. M. Chapuis était alors le directeur exécutif du CCI. Il est toujours en poste à l'arrondissement. Son travail a été critiqué par l'enquête de la firme KPMG qui avait eu le mandat de l'administration Tremblay d'interroger des fonctionnaires dans ce dossier, mais aucun des élus d'Union Montréal.

Intriguée, une citoyenne d'Outremont a écrit une lettre le 16 mars à la SQ lui demandant où en était l'enquête. L'inspecteur Michel Forget lui a répondu le 6 avril pour lui dire qu'il n'y avait pas d'enquête.

«Bien que la Sûreté du Québec ait été saisie d'une demande d'enquête à l'égard des agissements de certaines personnes proches de l'administration de l'arrondissement d'Outremont, nous n'avons à ce jour aucun élément supportant la tenue d'une enquête dans le cadre du Centre intergénérationnel d'Outremont», a écrit M. Forget dans la lettre obtenue par La Presse.

Pourtant, La Presse avait écrit le 26 octobre 2007 que le ministère des Affaires municipales et des Régions (MAMR) avait transmis au ministère de la Justice le dossier, le jugeant «suffisamment problématique». «Mis à part les rapports de KPMG et de Fasken Martineau, rendus publics le 9 octobre par la Ville de Montréal, le MAMR a en effet transmis le rapport d'analyse d'une plainte qu'il a reçue et qui concerne le Centre communautaire intergénérationnel d'Outremont», écrivions-nous alors.

Enquête relancée

Mais lundi dernier, le porte-parole de la SQ, Marc Butz, a dit que l'enquête sur le CCI était en cours. «En date du 6 avril, il n'y avait pas d'enquête, mais ensuite de nouveaux éléments sont arrivés et présentement il y a une enquête», a dit M. Butz.

Impossible de savoir quels sont ces nouveaux éléments. En ce qui a trait à l'enquête sur l'ex-maire Harbour, ses agissements et ceux de son entourage politique et administratif, aucun élu ni aucun fonctionnaire n'a été interrogé par les policiers.

«L'enquête est toujours en cours, dit l'agent Butz. Le travail fait dans ce genre d'enquête est toujours complexe et exhaustif. Il y a des caisses de documents à analyser. On ne commentera pas les démarches en cours. La nuance à faire entre le civil et le criminel est souvent difficile, c'est pourquoi les documents doivent être analysés en profondeur.»

Jean-Claude Patenaude a vécu l'affaire d'Outremont. Il est très sceptique sur l'enquête actuelle de la police. «Je ne sais pas de quoi les policiers parlent quand ils vous disent qu'ils ont des caisses de documents, mais je peux vous dire qu'ils ne sont jamais passés à l'hôtel de ville d'Outremont pour aller chercher ces documents, dit-il. Et ils ne m'ont jamais appelé ni sont venus me voir même si j'en ai des choses à raconter.»

Pour la conseillère municipale Noushig Eloyan, qui avait porté plainte à la police en octobre 2007, la réaction de la SQ montre qu'on n'est pas près de savoir ce qui s'est passé dans ce dossier. En tout cas, pas avant les prochaines élections. «C'est vraiment rire du monde, ce n'est pas sérieux, dit-elle. On parle de dépassement de coût de plusieurs millions. Si les instances responsables ne font pas leur travail, on va perdre la confiance des citoyens. Je ne comprends pas qu'après tant de mois, on en soit encore là. C'est stupéfiant, que le ministère de la Justice ne s'en occupe pas plus. C'est insultant.»

Quant au chef de Vision Montréal, Benoit Labonté, il est «surpris que l'enquête ait mis tant de temps pour se mettre en marche». «Je ne peux m'empêcher d'y voir une certaine coïncidence avec ce qui se passe ces jours-ci, car on parle fondamentalement de la relation de confiance qui doit exister entre les citoyens et leurs élus. Les derniers événements à l'hôtel de ville dans le dossier des compteurs d'eau et celui de la SHDM ont peut-être créé un incitatif quelconque pour la SQ de poursuivre.»

Précision

Un reportage publié le 6 mai dernier a pu laisser entendre que l'ex-maire d'Outremont, M. Stéphane Harbour, fait présentement l'objet d'une enquête de la Sûreté du Québec en raison de ses «agissements» dans l'attribution du contrat du Centre intergénérationnel d'Outremont.  À notre connaissance, l'enquête de la SQ ne porte pas sur les agissements de l'ex-maire, mais sur les dépassements de coûts reliés à ce contrat.  Par ailleurs, la démission de M. Harbour, en octobre 2007, n'était pas reliée au dossier du Centre intergénérationnel, comme notre texte du 15 mai a pu le laisser croire.