La Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) a acheté un terrain à la Ville de Montréal pour 733 000$, dans l'arrondissement de Saint-Laurent, et l'a revendu pour 1$ cinq jours plus tard, en décembre 2007, à Constructions Louisbourg Ltée, firme appartenant notamment à l'homme d'affaires Tony Accurso.

Il s'agit là de la transaction la plus étonnante que révèle le vérificateur général de la Ville de Montréal, Michel Doyon, dans son rapport de 54 pages sur les aliénations d'immeubles de la SHDM, déposé hier soir au conseil municipal. Elle fait partie d'un groupe de transactions tellement inexplicables que, selon M. Doyon, elles devraient faire l'objet d'une enquête de police.

En contrepartie, Louisbourg s'est engagée à céder à la SHDM une partie du bâtiment qu'elle allait construire sur ce terrain. Malgré cela, le vérificateur émet de sérieux doutes sur les décisions prises dans cette affaire.

En 2006, Louisbourg et la SHDM signent une entente pour construire un immeuble sur des terrains situés à l'angle des boulevards Henri-Bourassa et Marcel-Laurin. Le bâtiment, qui s'appellera Le Phoenix, comprendra 208 appartements. L'entente est conclue en vertu du programme Accès Condos, qui permet une aide aux acheteurs des appartements. La construction a commencé l'année dernière.

Il existait deux terrains sur ce coin de rue. Le premier appartenait à une entreprise privée. Louisbourg l'a acheté pour 1,1 million de dollars. Le deuxième, plus grand, appartenait à la Ville de Montréal et comprenait un petit bâtiment, qui devait être démoli.

La SHDM, société paramunicipale que l'administration du maire Gérald Tremblay a transformée en organisme privé à but non lucratif, a tenté d'acheter le terrain de la Ville pour 1 $, mais celle-ci a refusé l'offre. La Ville l'a plutôt vendu pour 733 000 $, le 30 novembre 2007.

«Le 5 décembre 2007, la SHDM revendait ce même terrain à Louisbourg pour le prix de 1$, plus autres bonnes et valables contreparties incluant, entre autres, une somme de 33 000$, Louisbourg étant déjà propriétaire du terrain adjacent (le terrain plus petit qu'elle avait acquis auprès d'une entreprise privée pour 1,1 million)», lit-on dans le rapport.

Louisbourg s'engageait aussi à céder à la SHDM une partie exclusive de son immeuble à construire, soit une superficie de 3000 pieds carrés, ainsi que 10 places de stationnement pour une salle communautaire.

Le projet Le Phoenix et les transactions ont été discutés au comité exécutif de la Ville, mais le document de discussion, appelé « sommaire décisionnel », était bien incomplet, sinon inexact. Il y était écrit que «le but du présent sommaire ne concerne pas la revente éventuelle d'une partie du site... au promoteur».

«Il est important de préciser que le sommaire en question passe sous silence le fait que le terrain devait être vendu au promoteur pour le prix de 1$, plus autres bonnes et valables contreparties, écrit le vérificateur. La SHDM n'a pas considéré nécessaire de faire approuver spécifiquement par le comité exécutif la vente dudit terrain par la SHDM en faveur du promoteur.»

«Le conseil d'administration de la SHDM avait approuvé l'acquisition du terrain à la Ville de Montréal pour 733 000$ et sa cession en faveur de Louisbourg, poursuit le vérificateur. (Mais) le procès-verbal ne mentionne pas précisément le prix à être payé par le promoteur pour l'achat du terrain (soit 1$).»

Le vérificateur met aussi en doute le prix de vente de la Ville de Montréal à la SHDM pour 733 000$. En vérité, le terrain valait probablement bien plus, vu que le terrain voisin avait été vendu pour 1,1 million, alors qu'il était plus petit. Des coûts de décontamination avaient été soustraits de la valeur marchande, mais ils ne s'appuyaient sur aucune étude environnementale.

Le nom de Tony Accurso, copropriétaire de Louisbourg Construction, a été évoqué à quelques reprises au cours des dernières semaines dans diverses controverses impliquant la Ville de Montréal. M. Accurso est copropriétaire du consortium GÉNIeau, qui a raflé le contrat de 355 millions pour l'installation de compteurs d'eau, et l'optimisation du réseau d'eau de la Ville.