Le maire Gérald Tremblay ne s'attend plus à recevoir les factures de Frank Zampino à propos du voyage que celui-ci a fait sur le bateau de l'homme d'affaires Tony Accurso en 2007, au moment où il était président du comité exécutif de la Ville.

«Je ne recevrai pas les factures. Si je les vois, je les rends publiques, mais M. Zampino refuse de rendre ces informations publiques. Je ne peux pas l'obliger. C'est la responsabilité de M. Zampino de décider ce qu'il veut faire avec ces factures», a déclaré le maire en marge d'une longue rencontre de presse portant sur le Quartier des spectacles. En démissionnant de son poste au sein de la firme Dessau lundi dernier, Frank Zampino affirmait avoir lui-même déboursé les frais de transport et de séjour de son voyage avec M. Accurso. Il disait avoir des factures pour le prouver mais qu'il ne les rendrait pas publiques puisqu'elles «contiennent des informations personnelles».

Lundi, le cabinet du maire de Montréal a laissé entendre qu'il réclamait ces factures depuis deux semaines. L'ancien président du comité exécutif a cependant refusé de se soumettre à ce qu'il appelle une «inquisition».

Le voyage de MM. Zampino et Accurso est survenu en janvier 2007 au moment où la Ville de Montréal se trouvait dans le processus d'attribution du plus important contrat de son histoire, 356 millions de dollars, celui des compteurs d'eau. Il a été octroyé au consortium GÉNIeau, formé par Dessau et Simard-Beaudry, une entreprise appartenant à Tony Accurso.

«J'ai commis une maladresse et je le reconnais pleinement, a fait savoir Frank Zampino dans un communiqué. J'aurais dû refuser l'invitation. Je constate maintenant que ces séjours étaient inappropriés dans les circonstances et si c'était à refaire, j'agirais différemment.»

Trahison?

Gérald Tremblay reconnaît maintenant que Frank Zampino, qui a quitté ses fonctions municipales en 2008, ne souhaitait plus lui remettre les factures de voyage après que le maire eut promis de les rendre publiques. Questionné à savoir s'il se sentait trahi par son ancien bras droit, le maire a répondu par la négative.

Il se dit toujours convaincu que l'attribution du contrat des compteurs d'eau, incluant sa pertinence et son prix, a été faite dans les règles de l'art. M. Tremblay ajoute qu'il rendra publiques «toutes les informations disponibles dans les plus brefs délais» avant d'en saisir le Vérificateur de la Ville.

L'administration Tremblay compte convoquer prochainement une rencontre au cours de laquelle les élus de Montréal seront informés des informations recueillies. Mais le maire Tremblay a refusé de préciser s'il s'agirait d'une instance publique ou non.

«Quand on aura décidé du forum, je vous en ferai part, a-t-il dit. Dans un premier temps, les élus, qui ont voté à l'unanimité ce contrat, doivent avoir toute l'information pertinente et l'opportunité de poser toutes les questions.»

Un briefing technique et une conférence de presse suivront, a-t-il promis.

Diversion

Au sujet de ce processus en trois étapes, le chef de l'opposition officielle à l'hôtel de ville, Benoit Labonté, n'y voit rien de bon.

«C'est une manoeuvre de diversion, croit-il, une commission qui viserait essentiellement à permettre aux élus de poser les questions aux fonctionnaires. On n'en est plus là. C'est de vouloir faire porter la responsabilité du dossier aux fonctionnaires, mais la décision a été prise par le politique, et c'est au politique à s'expliquer.»

Quand on a demandé au maire Tremblay s'il avait «l'impression de s'être fait jouer dans le dos par des membres de son administration dans ce dossier», il est resté évasif.

«C'est une perception qui est peut-être légitime, a-t-il noté, mais une chose est certaine, quand toute l'information sera publique, j'aurai rempli l'engagement que j'ai pris de faire la lumière sur ce dossier dans les plus brefs délais.»

Image publique

Le maire soutient que la controverse actuelle ne nuira pas à son image pas plus qu'à celle de son administration à moyen terme.

«Au contraire, dit-il, les gens vont voir que le contrat a été attribué en bonne et due forme au cours d'un processus qui respecte la Loi sur les cités et villes».

Quant aux comparaisons avec les contrats de compteurs d'eau, pour les immeubles industriels, commerciaux et institutionnels, signés par des villes comme Toronto et Ottawa, il réitère que Montréal serait loin d'y perdre au change.

«Vous allez voir que les évaluations qui ont été faites jusqu'ici dans certains médias ne sont pas conformes à la réalité. Ils n'avaient pas toute l'information disponible», estime-t-il.

Quant au harcèlement médiatique dont se dit victime Frank Zampino ces jours-ci, le maire Tremblay souligne qu'il s'agit d'une opinion personnelle et il dit respecter le fait, de son côté, que «les journalistes ont un travail à faire».

Avec la collaboration de Catherine Handfield.