Neuf ans plus tard, le roulodrome rouvre ses portes dans le quartier Saint-Michel. Plus beau, plus grand, mais aussi plus loin... Les «skateux» suivront-ils?

Ce fut long. Plus personne n'y croyait. Mais finalement, c'est fait. Neuf ans après sa fermeture rue Berri, le nouveau Taz ouvre ses portes aujourd'hui au 8931, avenue Papineau, à l'entrée de la carrière Saint-Michel.

 

D'une superficie de 35 000pi2, le nouveau centre compte 80 modules, une aire BMX, un coin pour les débutants, une piste de 200 mètres pour le patin à roulettes, une patinoire pour le roller hockey ainsi qu'une mezzanine avec bowls (la piscine) et zone trial (épreuves). Les travaux, entamés il y a un an, ont été réalisés avec un budget de 12 millions, dont les deux tiers répartis entre le municipal (2,5 M), le provincial (5 M) et le fédéral (2,5 M).

À première vue, c'est une bonne nouvelle. Il y a longtemps qu'on attend la résurrection de ce qui fut jadis le coeur de la culture jeune à Montréal.

On ne reviendra pas sur ce feuilleton en montagnes russes, assez bien résumé par notre collègue Lagacé dans sa chronique. Mais on peut se demander, au reste, si les «skateux» vont embarquer dans ce Tazmahal revisité. Avec toutes les polémiques qui ont entouré cet interminable dossier, le cynisme a fini par se mettre de la partie. Et l'enthousiasme s'est estompé.

«Les sentiments sont partagés, explique Éric Blais, de South Parc, équivalent du Taz sur la Rive-Sud. Les «anciens» ont gardé comme un drôle de goût dans la bouche. D'un autre côté, les jeunes vont avoir un super beau parc pour rider dans un autre quartier de Montréal...»

Aléas de la bureaucratie

Paula Bersetti, codirectrice et cofondatrice du Taz, est bien au courant de ces «sentiments partagés». Elle et son partenaire, Michel Comeau, ont eux-mêmes un drôle de goût dans la bouche. Car cet inexcusable retard, se défend-elle, n'était pas tout à fait de leur faute.

«On n'a pas le goût de passer pour des gens qui ont laissé traîner les choses, résume Mme Bersetti. On a été pris en otages par la bureaucratie et les élections à répétition. Littéralement. Il fallait toujours attendre que les trois ordres de gouvernements soient sur la même longueur d'onde. Pas évident quand les ministres jouent à la chaise musicale. Des fois, on se demandait si on était vraiment pris au sérieux...»

Les protestations du concurrent Orkus n'ont pas aidé la cause, ajoute Mme Bersetti. En 2006, ce roulodrome privé en quête de gros sous a réclamé à grands cris les subventions destinées au Taz, toujours inexistant. Pourquoi eux et pas nous? disaient-ils en substance.

Aujourd'hui, Orkus a fermé ses portes. Mais cette «campagne de dénigrement» a fait mal, reconnaît Mme Bersetti. Dans le doute, la Ville a retiré un quart de million destiné au volet culturel du projet. De nouvelles études de faisabilité ont été commandées. Et les «skateux» eux-mêmes ont commencé à trouver ça louche. «On nous a accusés de profiter de la lenteur du projet pour faire des sous, lance Mme Bersetti. Il ne faut quand même pas oublier que nous sommes un OSBL...»

Moins central

Évidemment, le nouveau Taz n'est pas l'ancien. Plus grand peut-être, mais aussi beaucoup moins central. L'ancien Taz était au métro Berri. Pour le nouveau, il faudra prendre un autobus (le 45) aux stations de métro Fabre ou Crémazie.

A priori, cela pourrait en rebuter quelques-uns. Mais Paula Bersetti préfère voir à long terme.

D'ici quelques années, le complexe environnemental Saint-Michel doit être transformé en immense parc, qui comprendra un skate plaza et un parcours ferré (ou via ferrata). Avec tout ça, le Taz pourrait finir par être un peu plus qu'un grand hangar au milieu de nulle part.

«Il faut se donner du temps pour relancer la machine, dit-elle. Mais c'est un gros défi. On est partis d'un endroit où on ne payait pas cher de loyer à un édifice d'une valeur de 12 millions, qu'il va falloir entretenir, chauffer et éclairer.»

Rappelons que les subventions ne concernaient que la construction du bâtiment. Désormais, le Taz devra se charger seul de ses coûts de fonctionnement. En principe, les activités courantes devraient suffire à financer les activités. Mme Bersetti vise 30 000 entrées la première année et souhaite atteindre 100 000 entrées dès la troisième année. «C'est notre chiffre magique.» Mais le nouveau Taz n'exclut pas la possibilité de partenariats et de commandites, question de multiplier les sources de revenus.

«Le premier Taz a fonctionné par le bouche à oreille. Je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas avec le nouveau» conclut Mme Taz. «Ce n'est peut-être pas la génération de l'ancien Taz qui va en profiter. Mais nous avons tenu notre promesse. Nous sommes revenus.»

Le Taz est situé au 8931, avenue Papineau. Information: 514-284-0051 ou www.taz.ca.