Le passage du futur train de l'Est à proximité de ses entrepôts d'explosifs pourrait faire perdre plus du tiers de sa capacité de production à la société General Dynamics, de Repentigny, et compromettre des centaines d'emplois dans ses trois autres usines au Québec.

Dans un mémoire soumis la semaine dernière au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), l'entreprise demande qu'une portion du tracé de ce projet de train de banlieue de 400 millions, qui longera ses installations, soit «revue» en raison des risques pour la sécurité des usagers.

 

Selon General Dynamics, le passage de 16 rames de trains, pouvant transporter jusqu'à 6575 passagers par jour, sur un tracé qui s'approchera à 300 m de certains entrepôts de produits explosifs, forcerait la société à revoir l'utilisation de neuf de ses bâtiments actuels pour respecter les distances sécuritaires imposées par la réglementation fédérale sur les produits explosifs.

«La présence du train pourrait affecter près de 35% d'une production totale dépassant les 400 millions en valeur, par année, et ainsi remettre en question la viabilité de l'usine Le Gardeur», affirme le mémoire de la société établie à cet endroit depuis la Deuxième Guerre mondiale.

«Un tel projet, poursuit-on, risque aussi de mettre General Dynamics en défaut quant au respect des obligations contractuelles prises à l'égard du gouvernement canadien dans le cadre du programme d'approvisionnement en munitions.»

General Dynamics est le fournisseur unique de la Défense nationale en matière de munitions conventionnelles.

De plus, en raison des liens entre la production de l'usine Le Gardeur et celles des autres installations de la société à Saint-Augustin-de-Desmaures, Nicolet et Valleyfield, «c'est donc une portion substantielle des 1450 emplois actuels qui pourraient éventuellement être remis en cause si des questions de sécurité reliées à l'aménagement d'une voie ferrée, sur le site industriel de General Dynamics, avaient pour effet de diminuer de façon importante son niveau d'activités».

«En conséquence, le tracé traversant la propriété de GD devrait être revu», conclut ce document, déposé par la firme d'avocats Heenan Blaikie Aubut au nom de la société General Dynamics, et rendu public jeudi par le BAPE.

D'autres solutions écartées

La situation à laquelle est confrontée cette entreprise de fabrication de munitions, face au projet du train de l'Est, est probablement unique au Canada. Il n'existe, en effet, aucun autre cas connu de train de passagers circulant à l'intérieur du périmètre de sécurité normal autour d'installations industrielles régies par la réglementation fédérale sur les explosifs.

Le train de l'Est est le plus ambitieux projet de train de banlieue de l'histoire de l'AMT. Le tracé prévu de 51 km entre Mascouche, au nord-est de Montréal, et le centre-ville de la métropole sera ponctué de 14 gares - dont quatre en banlieue et 10 dans l'est et le nord de l'île de Montréal. Le coût du budget est présentement estimé à 390 millions.

Le projet élaboré par l'AMT et ses consultants prévoit la construction de 14 km de nouvelles voies ferrées, entre les villes de Mascouche et de Charlemagne, en banlieue est de l'île de Montréal. La majeure partie de cette infrastructure ferroviaire serait construite au centre de l'autoroute 640, entre Mascouche et les limites de la municipalité de Repentigny.

À cet endroit, le train quittera l'emprise de l'autoroute pour passer sous le boulevard Pierre-Le Gardeur (qui sera surélevé, pour les besoins du projet), avant de traverser les terrains de General Dynamics sur une distance d'un kilomètre, jusqu'au chemin de la Presqu'île.

De là, le train longera plusieurs secteurs résidentiels de Repentigny, jusqu'à la future gare de la municipalité voisine de Charlemagne, où cette nouvelle infrastructure ferroviaire fera la jonction avec une voie ferrée du CN, qui amènera le train de l'Est jusqu'à la Gare centrale de Montréal.

Les demandes de révision du tracé de General Dynamics concernent seulement la portion d'un kilomètre qui passerait sur ses terres. L'abandon de cette partie du tracé poserait toutefois des problèmes de taille en raison du coût élevé ou de contraintes environnementales importantes (voisinage résidentiel, milieux humides, etc.) qui caractérisent les solutions de rechange étudiées par l'AMT.

Selon les études d'impact du train de l'Est rendues publiques par l'AMT dans le cadre de l'examen environnemental du BAPE actuellement en cours, pas moins de sept tracés différents ont été étudiés par l'agence et ses consultants afin de relier la voie ferrée existante du CN à Charlemagne au tronçon ferroviaire projeté au centre de l'autoroute 640 à Repentigny. Les deux tracés retenus aux fins d'analyse finale par l'AMT passaient tous les deux sur les terrains de General Dynamics

General Dynamics «n'a aucune objection de principe à l'égard de la construction d'un train de banlieue».

«Depuis le début de ce projet, peut-on lire dans son mémoire de 30 pages, la société a toujours assuré l'AMT de son entière collaboration, tant et aussi longtemps que ses opérations n'étaient pas affectées.»

Ce n'est toutefois qu'en août 2008, après un échange de lettres avec une division de Ressources naturelles Canada, responsable de l'application du règlement sur les explosifs, que l'entreprise «a été mise au courant des impacts possibles sur ses opérations»