La Ville de Montréal imposera dès le printemps un moratoire permanent sur l'installation de nouveaux foyers et poêles à bois, partout sur son territoire.

Après 10 mois d'intenses négociations au comité exécutif, l'administration Tremblay a dévoilé hier les détails de sa future réglementation sur les appareils de combustion au bois, qui irrite autant les écologistes que les vendeurs de poêles.La Ville renonce finalement aux mesures les plus coercitives envisagées dans le passé. Elle se limitera à interdire l'installation de poêles et de foyers dans toute maison en construction ou existante. Les poêles à gaz et à granules seront cependant permis.

«Montréal devient la métropole ayant la réglementation la plus sévère au Canada, et possiblement en Amérique du Nord», s'est réjoui en entrevue le responsable de l'Environnement au comité exécutif, Alan DeSousa.

Cette annonce survient quelques jours après que Montréal eut vécu son 25e épisode de smog hivernal, un record que l'on attribue surtout aux poêles à bois. Ces derniers émettent des particules fines qui, en forte concentration, détériorent la qualité de l'air en hiver.

Le règlement, qui sera soumis à la consultation publique, s'appliquera à tout «appareil à combustibles solides», ce qui comprend autant les poêles à bois classiques que les foyers en maçonnerie. Sont toutefois exclus les poêles qui carburent aux granules de bois, au gaz naturel, au propane et à l'électricité.

«Notre règlement est plus sévère encore que celui de la Ville de Hampstead (qui interdit les poêles à bois depuis l'an dernier), car il s'applique aux poêles, mais aussi aux foyers», a fait remarquer M. DeSousa.

Les «DeSousa Macoutes»

Les vendeurs de poêles sont tout simplement hors d'eux. Le directeur de l'Association des professionnels du chauffage, Ghyslain Bélanger, ne mâche pas ses mots: «Je ne le prends pas! Je ne comprends pas des gestes aussi innocents! C'est inacceptable! On va se battre bec et ongles!»

M. Bélanger a déjà donné un nom aux inspecteurs qui devront faire respecter le règlement: les «DeSousa macoutes», une référence aux Tontons macoutes, ces paramilitaires qui sévissaient à Haïti sous la dictature des Duvalier.

Cela dit, en se limitant à un moratoire sur les nouveaux poêles à bois, l'administration confirme qu'elle renonce aux mesures les plus ambitieuses du plan en discussion depuis avril dernier, comme l'avait révélé La Presse la semaine dernière, soit la conversion obligatoire vers des poêles certifiés d'ici à 2016 et l'interdiction d'utiliser des appareils de combustion les jours de smog.

Le Conseil régional de l'environnement de Montréal déplore d'ailleurs ce recul, attribuable à l'opposition des maires de certains arrondissements de l'est de l'île. Il estime en ce sens que la réglementation proposée est «insuffisante».

«Le règlement actuel ne vise qu'à empêcher l'installation de nouveaux appareils sur le territoire de Montréal mais ne prévoit aucune mesure réglementaire pour remplacer les 50 000 appareils de chauffage au bois existants, dont l'utilisation constitue une des causes principales des épisodes de smog hivernal. Aucune amélioration de la qualité de l'air ne peut donc être envisagée à l'heure actuelle», estime le directeur de l'organisme, André Porlier.

Tout au plus, la Ville ouvre la porte à des actions plus musclées, à condition que le gouvernement du Québec fasse sa part. Si ce dernier met en place un programme d'aide financière pour inciter les gens à remplacer leur poêle ou leur foyer par une version moins polluante, Montréal irait alors plus loin.

La Ville entend déposer le projet de règlement au conseil municipal le 23 février prochain. Une séance de consultation publique suivra, en mars ou en avril. Puis le règlement entrera en vigueur au mois de mai, au plus tard.